Les politiques de soutien pour lutter contre le chômage conjoncturel
I. Définition : le chômage conjoncturel
Le chômage conjoncturel est un chômage lié à une insuffisance de la demande globale. La demande en biens et services est trop faible, le carnet de commandes des entreprises n’est pas assez rempli, leur activité est ralentie. C’est pourquoi les entreprises n’embauchent pas assez.
Il faut s’intéresser à la demande anticipée des entrepreneurs, un concept de l’économiste Keynes. La demande anticipée des entrepreneurs est la demande à laquelle les entrepreneurs pensent être confrontés dans le futur. Pour stimuler cette demande anticipée, il faut une stimulation de la demande globale.
II. Comment soutenir la demande globale ?
Cela passe par la mise en place de plans de relance :
– L’État, notamment à travers sa politique budgétaire, peut stimuler la demande globale. Par exemple, il peut augmenter les prestations sociales envers les ménages, envers les consommateurs, notamment les plus pauvres car ce sont eux qui consomment le plus.
– L’État peut alléger la fiscalité envers les ménages mais aussi les entreprises. De cette façon, la consommation va augmenter et l’investissement également.
– L’État peut aussi mettre en place des politiques de grands travaux afin de soutenir le secteur de la construction et de la rénovation.
– A travers la politique monétaire, la Banque centrale peut baisser les taux d’intérêt pour augmenter la consommation des ménages et l’investissement des entreprises.
Exemple : En 2008, il y a eu une crise économique et l’État français a mis en place un plan de relance. La prime à la casse pour soutenir le secteur de l’automobile a été allongée, par exemple. L’État a mis en place des prestations sociales pour les ménages le plus modestes. L’État a également allégé la fiscalité envers les entreprises. Il a également décidé de mettre en place de nouveaux chantiers publics afin de soutenir le secteur de la construction.
III. L’effet sur le chômage
Si l’État met en place un plan de relance à travers son budget ou si les taux d’intérêt baissent à travers la politique monétaire, cela augmente la consommation des ménages et l’investissement des entreprises, ces deux éléments étant des composantes de la demande globale. Se faisant, la demande anticipée des entrepreneurs augmente, leur production augmente et le niveau de l’emploi va augmenter et donc le chômage va baisser.
Des études, notamment de la Cour des comptes, montrent que l’effet a été plutôt mitigé. Elles mettent en avant que le plan de relance a créé ou sauvegardé entre 20 000 et 70 000 emplois pour un coût de 35 milliards d’euros. Néanmoins, si l’État n’avait pas mis en place des plans de relance à cette époque, le chômage aurait augmenté de façon plus importante.
Les politiques de soutien pour lutter contre le chômage structurel
Parmi les principaux outils de lutte contre le chômage, il existe des outils qui vont permettre de lutter contre le chômage structurel.
I. Définition : le chômage structurel
Le chômage structurel émane des rigidités sur le marché du travail, il a deux composantes :
– Il peut y avoir une inadéquation entre l’offre de travail et la demande de travail. Il y a des postes à pourvoir, mais étant donné qu’il n’y a pas assez de candidats qui répondent au profil car ils n’ont pas les formations ou les compétences requises ces postes ne sont pas pourvus et cela crée du chômage.
– Il y a des règles parfois trop contraignantes et cela désinciterait les chefs d’entreprise à embaucher.
II. Les politiques de formation
La correction de l’inadéquation entre demande et offre de travail passe par la mise en place de politiques de formation :
– De la formation initiale : il faut créer des formations, des nouveaux diplômes, afin de s’adapter aux mutations économiques. Il y a des secteurs d’avenir, comme la robotique, la transition énergétique, le domaine de la santé. Au niveau des universités, dans l’enseignement supérieur, il faut s’adapter de manière à fournir un vivier d’étudiants, qui deviendront des nouvelles personnes sur le marché du travail ayant les compétences requises.
– Des formations continues : on s’intéresse aux travailleurs ou aux chômeurs. Il faut qu’ils se forment tout au long de leur vie. On peut citer le l’instrument qu’est le compte personnel de formation. Il permet de financer des formations pour les chômeurs et les travailleurs. En 2017, on a recensé 250 000 actions de formation grâce à ce dispositif.
Le mécanisme est le suivant : si on augmente le nombre de formations pour s’adapter aux mutations économiques ou si on met en place de la formation continue, il y a un meilleur appariement entre l’offre de travail et la demande de travail. Cela permet de réduire le chômage structurel dans une de ses composantes.
III. Flexibilité quantitative, flexibilité salariale, flexibilité fonctionnelle
Pour s’attaquer à la seconde composante du chômage structurel, il faut assouplir les règles qui encadrent le marché du travail. Le code du travail permet d’encadrer les relations entre les salariés et les employeurs. Elles sont importantes car elles constituent une protection pour les salariés mais elles pourraient parfois paraître contraignantes pour les employeurs, peut-être que ces règles ne leur permettraient pas de s’adapter aux aléas économiques.
Que la conjoncture économique s’améliore ou se détériore, il existe trois leviers pour permettre aux entreprises de s’adapter à l’économie :
– La flexibilité quantitative est le fait de pouvoir adapter le volume d’heures travaillées en fonction de la conjoncture économique. Si tout se passe bien, on peut avoir un recours aux heures supplémentaires. Si cela se passe au moins bien, il est possible de mettre en place du chômage technique ou avoir recours au licenciement.
– La flexibilité salariale est le fait de faire varier les salaires en fonction des résultats de l’entreprise. Si tout va bien, on peut mettre en place plus de primes mais si ça va mal, on va peut-être pouvoir réduire les salaires.
– La flexibilité fonctionnelle vise à accroître la polyvalence des salariés. De cette façon, les entreprises peuvent adapter facilement leur production par substitution de postes ou adaptation au progrès technologique.
IV. Exemple
Appliquons ces leviers à travers un exemple pour montrer dans quelle mesure ils pourraient permettre de créer ou, a minima, sauvegarder des emplois.
Admettons que la conjoncture est mauvaise avec un ralentissement de l’économie. L’entreprise va peut-être pouvoir actionner certains leviers. Elle pourrait baisser les salaires, réduire la cadence de l’entreprise et pouvoir, durant un certain temps, de façon temporaire, économiser en coûts de production. Cela peut permettre à l’entreprise de faire face à des situations compliquées où les ventes baissent, en s’adaptant dans le présent et en rebondissant dans le futur. Il peut y avoir sauvegarde d’emplois, et si l’entreprise réussit à bien rebondir dans le futur, cela peut préparer de futures embauches.
Cette théorie fait débat, mais il s’agit de montrer sa logique.
Les effets positifs et négatifs des institutions sur le chômage structurel
Le chômage structurel est un chômage lié à des imperfections sur le marché du travail. Ce cours s’intéresse principalement à deux imperfections, toutes les règles de protection de l’emploi et l’instauration d’un salaire minimum.
I. Les règles de protection de l’emploi
Les règles de protection de l’emploi régissent les contrats de travail. Elles sont présentes dans le Code du travail, dans les conventions collectives. Ce sont principalement des règles qui protègent les travailleurs.
A. Vers de nouvelles stratégies basées sur le maintien de l’emploi ?
Or, les chefs d’entreprise pourraient considérer que ces règles pourraient nuire à l’emploi. En effet, trop de complexité pour embaucher ou licencier, et faire scrupuleusement respecter toutes les règles du Code du travail, etc., trop de règles seraient vectrices de peur pour les entrepreneurs. En cela, les règles seraient considérées comme un frein à l’embauche.
Toutefois, les règles de protection de l’emploi, en rendant plus coûteux le licenciement d’un salarié, pourraient faire en sorte d’adapter les stratégies des entreprises. Ainsi, par exemple, les entreprises pourront mettre en place de nouvelles stratégies basées sur le maintien des emplois existant en renforçant par exemple la polyvalence des salariés. Se faisant, les salariés seraient plus productifs et cela serait aussi intéressant pour l’entreprise.
B. Plus de flexibilité, plus d’emplois ?
On peut toutefois se demander s’il n’y aurait pas plus d’embauche s’il y avait plus de flexibilité. En guise d’exemple, on sait qu’aux États-Unis, le marché du travail est beaucoup plus souple qu’en Europe. Généralement, les chômeurs américains mettent beaucoup moins de temps à retrouver du travail que les chômeurs européens.
C. Vérifications empiriques
Pour étayer ces hypothèses, on peut consulter quelques études empiriques pour vérifier s’il y a des corrélations entre la flexibilité du marché du travail et certains paramètres du marché du travail.
– Concernant les contrats stables, selon une étude de l’OCDE sur la période 2007-2018, on sait que l’Espagne a moins protégé ses contrats stables et le taux de l’emploi a augmenté durant cette période. Pour autant, la Belgique a rendu plus protecteurs ces contrats stables, et le taux d’emploi a augmenté dans la même proportion sur la même période. Il y a ici un exemple et un contre-exemple.
– Toujours selon l’OCDE, on peut voir qu’entre 1990 et 2013, le Danemark a beaucoup moins protégé ses emplois courts. Or, le taux de l’emploi précaire dans le volume de l’emploi total a baissé. Pendant la même période, l’Allemagne a rendu moins protecteurs les contrats courts et la part d’emplois précaires a beaucoup augmenté. En France, la part d’emplois précaires a beaucoup augmenté alors qu’on a davantage renforcé la protection sur ces contrats.
– Dernier élément, en France et en Allemagne, le taux de chômage de longue durée (plus d’un an) est relativement élevé. Or, on sait que la France protège davantage les contrats courts que l’Allemagne. En revanche, on sait que le Danemark et le Royaume-Uni protègent beaucoup moins les contrats courts : là, le chômage de longue durée a baissé entre 1990 et 2013.
On voit donc à travers ces études qu’il y a un effet positif à rendre plus souple le marché du travail : le taux d’emploi augmente et le taux de chômage baisse. Mais selon les pays, cette corrélation est parfois vérifiée et parfois pas. Taux de chômage et taux d’emploi dépendent de beaucoup de paramètres, et il est parfois difficile de faire des comparaisons entre pays.
II. L’instauration d’un salaire minimum
L’Etat peut décider d’instaurer un salaire minimum, qui est un prix plancher, c’est-à-dire qu’un employeur ne peut pas rémunérer un salarié en dessous d’un certain niveau. En France, par exemple, il correspond à 8 € nets de l’heure et cela correspond mensuellement à une rémunération de 1 200 € pour un travailleur.
A. Les effets négatifs
Si le salaire minimum se rapproche du salaire moyen, du salaire médian d’un pays, les entrepreneurs pourraient se dire qu’ils rémunèrent certains travailleurs peu qualifiés à un niveau très élevé, en tout cas, trop élevé par rapport à leur niveau de productivité. Le salarié rapporte beaucoup moins que ce qu’il ne coûte. Cela pourrait donc freiner les embauches.
Ainsi, les entreprises pourraient davantage mettre en place de la substitution du capital au travail, c’est-à-dire remplacer des hommes par les machines. Le capital peut devenir plus rentable. C’est le cas, par exemple, des caisses automatiques qui remplacent les caissiers ou les caissières.
Autre effet pervers, cela peut pousser les entrepreneurs à accroître les embauches de travailleurs plus qualifiés, plus chers mais plus productifs. Il apparaît à travers ce que l’on vient de voir qu’il existe des effets plutôt négatifs après l’installation d’un salaire minimum à un niveau trop élevé : il affecte l’embauche des travailleurs les moins qualifiés.
B. Les effets positifs
Si on augmente la rémunération, cela peut accroître le nombre de demandeurs d’emploi. Or, plus de demandeurs emploi donnent potentiellement plus d’embauches.
Si on augmente la rémunération, cela peut accroître la motivation des travailleurs, ce qui peut se traduire par des travailleurs plus productifs. Si la productivité augmente, cela est bénéfique pour l’entreprise.
D’après la théorie néoclassique, tant qu’un entrepreneur paye un travailleur en deçà de son niveau de productivité, l’instauration d’un salaire minimum n’est pas, en soi, un frein à l’embauche. Donc tout dépend du niveau du salaire minimum.