Introduction : Comment définir la démocratie ?

Comprendre un régime politique : la démocratie

On peut faire référence à la célèbre formule du président Abraham Lincoln (1809-1865) : « la démocratie c’est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». L’intérêt de cette définition est de revenir à l’étymologie grecque du mot « démocratie ». Il est composé du demos et du kratos c’est-à-dire le pouvoir du peuple. Cette formule pose cependant plus de questions qu’elle n’apporte de réponse.

 

I. Le « meilleur » des régimes ?

 

La démocratie est-elle le meilleur des régimes ? C’est une question qui n’a pas toujours parue évidente. Dans l’Antiquité, les penseurs comme Aristote distinguaient monarchie, aristocratie et République. Il pensait que la démocratie n’était qu’une dérive de la République qui permet le gouvernement de tous dans l’intérêt général. La démocratie, elle, tendait à être la tyrannie des masses de la majorité sur la minorité.

Au XIXe des penseurs comme Benjamin Constant ou Alexis de Tocqueville reprirent cette idée que la démocratie pouvait présenter des dangers, des risques de la tyrannie des masses. Ce n’est qu’au cours du XXe siècle, avec les excès et les désastres liés à des régimes totalitaires et autoritaires qu’est arrivée l’idée que la démocratie était peut-être le meilleur des régimes. Winston Churchill disait que la démocratie « était le pire des systèmes à l’exclusion de tous les autres ». Il prononce cette formule lors d’un discours en 1947, au moment même où il a perdu le pouvoir et il enjoint les travaillistes, qui dominent la politique, à bien respecter le mandat que le peuple leur a donné. Il faut, selon lui, que les travaillistes soient les serviteurs des citoyens qui les ont élus.

 

II. Cinq caractéristiques fondamentales de la démocratie

 

1. La séparation des pouvoirs

Les trois pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) sont séparés les uns des autres, comme l’expliquait Montesquieu dans L’Esprit des Lois. Les pouvoirs doivent être séparés et équilibrés. Le pouvoir doit arrêter le pouvoir. Ce système de compensation est appelé Checks and Balances aux États-Unis. Cette séparation des pouvoirs doit être inscrite dans la Constitution et former la base d’un État de droit.

 

2. Le pluralisme politique

Il faut que s’installe dans une démocratie une compétition politique entre différents partis qui ont le droit de s’exprimer, de se présenter au suffrage des électeurs et qui alternent à l’issue d’élections qui doivent être libres et transparentes.

 

3. Le mandat électoral

Les électeurs confient un mandat électif et représentatif à des élus qui doivent en toutes circonstances le respecter. Dans certains pays, il existe des mandats impératifs comme en Afrique du Sud, en Inde ou en Allemagne (pour le Bundesrat).

 

4. Le débat public

Il doit être ouvert et transparent. L’information est verticale (le gouvernement informe les citoyens de la pratique publique et inversement, les citoyens font remonter leurs revendications). Les informations et le débat circulent aussi de manière horizontale : entre les différents groupes de citoyens.

 

5. Le respect de la vie privée

Il faut toujours une séparation entre la sphère publique et la sphère privée, par opposition à tous les régimes totalitaires qui englobaient la sphère privée dans l’espace public. La démocratie repose sur le respect des libertés individuelles. Benjamin Constant rappelle que la démocratie n’est pas qu’un ensemble de libertés collectives mais aussi des libertés individuelles.

 

De ces analyses, on peut retenir que la démocratie est un régime de souveraineté populaire. Cependant, la grande problématique est de savoir comment associer le peuple à son gouvernement.

 

III. Comment associer le peuple à son propre gouvernement ?

 

Dans l’Antiquité, lors de l’invention de la démocratie, il s’agissait de systèmes de démocratie directe. A l’époque, les citoyens (les hommes libres) étaient associés au gouvernement de la cité, avaient accès aux différents mandats électifs, débattaient dans l’assemblée (Ecclésia) et pouvaient exercer les fonctions démocratiques. Cette démocratie directe, qui représentait une sorte de modèle, n’est plus possible de nos jours avec l’extension du corps des citoyens. Les citoyens doivent voter pour des représentants en vertu d’un mandat électif représentatif. On oppose parfois cette démocratie ancienne et directe, à la démocratie nouvelle et représentative. En réalité les deux peuvent se mélanger. Même dans une démocratie représentative, les citoyens, par l’intermédiaire d’outils politiques comme le référendum, ou comme la pétition, peuvent participer directement.

Toutefois, il reste une tension très importante entre ces deux types de démocratie comme le montre Pierre Rosanvallon dans La Démocrate inachevée. En prenant l’exemple français, on remarque que depuis la Révolution, il y a une tension entre deux principes de souveraineté :

– La souveraineté passive avec laquelle les citoyens n’agissent pas au-delà des élections.

– La souveraineté active qui les amène à s’engager dans la vie civique par le biais d’associations, de partis politiques ou de syndicats.

De cette tension naissent des frustrations. A partir de la IIIe République, Pierre Rosanvallon explique que la France a inventé une forme de démocratie semi-directe et semi-représentative qui est peut-être le moins mauvais des régimes possibles mais qui génère des frustrations. De plus, sous la Ve République on assiste à une concentration de plus en plus forte du pouvoir aux mains de l’exécutif. C’est de ce type de tensions et de frustrations qui naissent les contestations, aussi bien celles de mai 1968 que celle des Gilets-Jaunes. Si bien que la voie d’une démocratie moyenne et équilibrée est un chemin difficile comme l’indique Pierre Rosanvallon en conclusion de son ouvrage. 

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