La Chine : des recompositions spatiales multiples
I. Croissance démographique, croissance économique.
A. Le fait démographique en Chine
La Chine est toujours le pays le plus peuplé de la planète. Sa population atteint 1,4 milliard d’habitants, mais il est probable qu’elle ne demeure pas le pays le plus peuplé. En effet, l’Inde rattrape la Chine et pourrait la dépasser dans peu de temps.
Sa croissance démographique est ralentie depuis une quarantaine d’année du fait de la politique de l’enfant unique mise en place par le gouvernement chinois en 1979. Aujourd’hui, la population chinoise continue de croître à cause du phénomène d’inertie, mais diminue. La population est cependant vieillissante.
La répartition de la population sur le territoire chinois est très déséquilibrée.
On constate que le littoral chinois concentre les populations. Les densités sont extrêmes dans certaines localisations comme Shanghai. Vers l’intérieur du territoire, la Chine est encore très peuplée mais les densités tendent à diminuer même si l’on constate des agglomérations de plus en plus importantes notamment le long de l’axe des grands fleuves chinois : le fleuve Bleu et le fleuve Jaune. Ils sont des axes de pénétration de la puissance chinoise vers l’intérieur de son territoire. Ces densités diminuent à mesure que l’on va vers l’ouest et le désert du Xinjiang qui est un territoire très peu peuplé.
Le fait démographique est fondamental et doit être mis en rapport avec les évolutions économiques pour constater que la société a été bouleversée et est aujourd’hui encore en transition.
B. Une société en transition
– Une transition urbaine : La Chine, au moment où les communistes prennent le pouvoir en 1949, était un pays rural où seulement 54 % de la population vivait dans les villes.
Aujourd’hui la population chinoise est majoritairement urbaine : 60 % de la population environ vit dans les villes. Il y a donc une masse d’urbains d’environ 700 à 800 millions de personnes : c’est plus de deux fois la population des États-Unis. Cette croissance rapide de la population urbaine a des conséquences importantes.
– Le phénomène migratoire : Pendant très longtemps on a assisté à des vagues migratoires vers le littoral, là où se concentrent les activités les plus dynamiques et productives. On assiste cependant à l’heure actuelle à une sorte de reflux. Il se caractérise par des départs de populations vers l’intérieur du territoire où des espaces sont mis en valeur.
La diaspora chinoise est très importante et est un relais de la puissance chinoise au-delà de ses frontières. Une diaspora est caractérisée par l’éparpillement d’une population à travers le monde, qui reste solidaire avec son pays d’origine.
– Des disparités sociales : La Chine est un pays communiste dans lequel les inégalités devraient être réduites au maximum dans la théorie. Cependant, on constate l’apparition de millionnaires mais il y a toujours des millions de personnes vivant dans une extrême pauvreté. Il y aurait à l’heure actuelle 150 millions de misérables dans les campagnes chinoises, vivant au niveau d’un PMA (pays les moins avancés).
Il y a l’émergence de classes moyennes chinoises qui consomment et accèdent à un certain niveau de confort. On peut s’interroger sur la perspective d’une moyennisation de la société chinoise.
C. Une croissance exceptionnelle
La croissance est extrêmement forte depuis une trentaine d’années, à partir du moment où la Chine s’est ouverte aux investisseurs étrangers. Elle connaît depuis une croissance moyenne d’environ 10 %. Chaque année, le PIB chinois s’accroît de 10 % de façon durable et continue. De ce fait, la Chine est devenue aujourd’hui la deuxième puissance économique mondiale. Cette croissance a été obtenue par la transformation de la Chine dans les années 1980 en un pays atelier. Les capacités commerciales de la Chine sur le littoral ont été largement exploitées et aujourd’hui la Chine est un très grand pays commercial.
Les effets de la croissance doivent être questionnés sur les espaces chinois, les ressources, l’environnement et la modification des régions chinoises.
II. Une pression sur l’environnement et les ressources
A. L’extension des activités et les ressources
L’impact écologique est d’abord dû à l’extension des activités. On constate que les activités économiques et industrielles ont pris une place considérable, tout comme les activités commerciales. On peut retenir l’aménagement de toute la façade pacifique de la Chine, qui porte sept des dix plus grands ports mondiaux. Cela implique des équipements en infrastructures énormes, lesquels nuisent à l’environnement.
Les progrès des transports en Chine ont également un impact : de multiples lignes à grande vitesse ont été installées ces dernières années. Toute la partie orientale est parcourue par ces lignes de transport. Il y a un mitage (des activités traditionnelles qui reculent devant la pression des activités industrielles d’urbanisme ou de transport avec une réduction de l’espace agricole). Cette réduction de l’activité agricole peut poser problème du fait du poids de la population.
B. La pression sur les ressources
La Chine est un pays qui pollue beaucoup. Certaines nécessités de base ne sont pas assurées à l’heure actuelle : l’accès à l’eau potable est un problème pour 40 % de la population. La Chine a une image très moderne mais il y a beaucoup d’archaïsme, notamment dans la Chine de l’intérieur.
Les déchets industriels sont nombreux. La production de plastique est considérable, à tel point que les fleuves chinois sont largement responsables de la formation de ce sixième continent composé de déchets plastiques dans les espaces océaniques.
Cette pression sur les ressources se retrouve aussi au niveau énergétique. La Chine est un gros consommateur de pétrole et de charbon dont elle est le premier consommateur mondial à l’heure actuel. Elle est donc le premier producteur de gaz à effet de serre dans le monde.
Aujourd’hui, seize des vingt métropoles les plus polluées du monde se trouvent en Chine. Le bilan carbone de ces villes est négatif est très inquiétant à l’échelle internationale. On se retrouve dans une situation que l’on imaginait pour les États-Unis il y a encore quelques décennies, ce qui arrive à la Chine aujourd’hui, compte-tenu de ses capacités économiques, a un impact sur le monde. La Chine, par l’intense activité commerciale participe à la dégradation de l’environnement mondial.
III. Quelles recompositions spatiales ?
A. Le littoral, moteur du changement
Comme dans le monde entier, les populations et les activités sont aujourd’hui principalement littoralisées. Cependant, ce n’est pas un phénomène historique pour la Chine. En effet, depuis la révolution communiste, le président Mao a décidé de réorienter les activités vers l’intérieur en réaction à la présence des européens et des concessions sur les littoraux chinois. Il s’est appuyé sur les masses paysannes mais ce fut un véritable échec. À partir des années 1980, la Chine bascule de nouveau vers son littoral, même s’il y a des formes de reconquêtes du territoire vers l’intérieur, notamment par les axes des deux grands fleuves. Ce phénomène s’accompagne de l’édification d’infrastructures considérables comme le barrage des Trois-Gorges. Il a une grande capacité de production hydroélectrique mais a eu pour conséquence le déplacement de deux millions de personnes dans la province.
Les zones économiques spéciales (ZES) sont à l’origine du développement du littoral. Elles ont été ouvertes dès 1979, ce sont des endroits du littoral où la Chine a accepté les investissements étrangers, notamment sur le littoral.
B. Poids de l’urbanisation
Il faut rappeler le poids de l’urbanisation dans ses effets spatiaux. Il y a d’extraordinaires concentrations urbaines en Chine. Dans les territoires des Suds, urbanisation et métropolisation vont de pairs. On peut même parler de mégalopolisation pour définir des concentrations urbaines très fortes mais qui n’ont pas forcément de grandes capacités métropolitaines. C’est le cas par exemple de la concentration urbaine de la ville de Chongquing. Elle était une petite ville il y a quarante ans et est aujourd’hui une agglomération multimillionnaire. C’est le cas également de l’ensemble urbain qu’on a au sud de la Chine avec Guangzhou, Shenzhen ou Hong Kong. C’est une sorte de mini mégalopole.
On peut également penser à l’agglomération urbaine de Shanghai qui est une métropole de niveau international. L’urbanisation a des effets en termes environnementaux et en termes de mitage.
C. Expansion de la Chine
Il faut prendre en compte la projection extérieure que la Chine effectue hors de ses frontières. Elle est depuis longtemps maître de la Chine orientale qu’elle contrôle à des fins stratégiques et militaires. Or, une nouveauté apparaît ces dernières années : il s’agit du regard que la Chine tourne à nouveau vers le continent et vers l’ouest. Le programme de nouvelles routes de la soie témoigne de ce phénomène. Il doit relier, par le continent, la Chine à l’Europe. Cela permet à la Chine d’assurer son approvisionnement énergétique sans passer par les voies maritimes parfois dangereuses, et de se mettre à l’abris au cas où il y aurait une forme d’affrontement stratégique avec les États-Unis dans le Pacifique.
Conclusion
Ces modifications spatiales doivent se considérer à plusieurs échelles. À l’échelle locale, il y a des métropoles qui transforment localement la vie des chinois. À l’échelle du continent avec ce rapport entre l’intérieur du pays et le littoral. L’échelle internationale, c’est la projection de la puissance chinoise hors de ses frontières.