La religion
On est tenté de définir la religion comme la croyance en un ou plusieurs dieux. Cette dimension en fait partie, mais il serait insuffisant de définir la religion par la simple foi. Dans toute religion, il y a une série de pratiques comme des cultes et des institutions. Il serait aussi faux d’exclure une religion comme le bouddhisme où la notion de dieu transcendant n’existe pas.
Le critère à retenir pour définir la religion est donc la distinction entre le sacré et le profane que l’on retrouve dans toute religion. Ce qui rend une chose sacrée est le rapport que j’entretiens avec elle. Une chose sacrée est une chose interdite, que je n’ai pas le droit de toucher, ni de consommer, sauf par l’intermédiaire d’un rite. Le profane au contraire est ce qui accessible sans la médiation d’un rite.
L’étymologie du terme, le latin religare, signifie relier. Il y a donc une dimension de lien dans la religion : la religion unit les hommes entre eux, en une communauté, comme l’Église, et elle unit aussi l’homme à Dieu. Il y a donc une liaison horizontale, entre les hommes, et une liaison verticale, entre Dieu et les hommes.
La religion est-elle compatible avec la science ?
I. Religion contre science
Constat de fait : il y a toujours eu conflit, à partir de la révolution scientifique, entre la religion et la science. Par exemple, Galilée qui défendait le système copernicien héliocentrique (Soleil au centre de l’Univers) a subi les foudres de l’Église qui défendait le système ptoléméen géocentriste (Terre au centre de l’Univers). On peut songer aussi à Giordano Bruno qui a été brûlé pour avoir défendu que l’Univers était infini, et non clos comme le prétendait l’Eglise.
La science l’a emporté sûrement par la différence de discours. La religion se fonde sur des mythes, qui racontent des origines. Or, les mythes sont acceptés parce qu’ils sont reçus par des personnes qui ont une forme d’autorité. Cela suggère que l’on y adhère par la foi. Le risque est de tomber dans une forme de dogmatisme.
En science, on a des hypothèses, que l’on vérifie soit par l’expérience, soit par démonstration. Le mythe lui est invérifiable. Ce qui fait la force de la science et du discours qu’elle propose pour rendre intelligible le réel est sa méthode expérimentale : on peut vérifier les hypothèses que l’on fait, ce qui n’est pas le cas dans la religion.
II. Conciliation religion et science
Malgré cela, science et religion sont conciliables. La religion vient achever la science. Le savant décrit un enchaînement de causes et d’effets. Mais il échoue à donner la cause première. La religion donne cette cause première et l’appelle Dieu. Platon, dans La République, parle du principe anhypothétique, c’est-à-dire qui est au-dessus de l’être, le premier principe. C’est en ce sens que la religion achève la science en posant une cause première. Elle traduit l’exigence de la raison à poser un principe inconditionnel qui soit à l’origine de lui-même et cause de lui-même. C’est une exigence de la science que la science ne peut pas expliciter.
D’une certaine manière, la science en progressant ramène à la religion, c’est ce que l’on appelle la preuve cosmo-théologique. La science progressant fait découvrir toute la complexité et l’ingéniosité du réel. Face à ces découvertes, on peut se dire qu’il y a une intelligence à l’origine de ce monde si bien ordonné. Voltaire disait : « L’univers m’embarrasse et je ne puis songer que cette horloge existe et qu’elle n’ait point d’horloger. » C’est également la thèse d’Averroès, au XIIe siècle, pour qui l’étude rationnelle des étants, c’est-à-dire la science, nous tourne vers Dieu. On découvre la beauté et la complexité du monde ce qui fait supposer qu’une intelligence en est à l’origine.
III. Les limites de la raison
Cette thèse peut être renforcée par les limites de la raison dans sa prétention à trouver la vérité. La raison échoue à fonder intégralement le savoir. C’est ce que l’on découvre avec Pascal, dans une leçon sur la démonstration. Il montre que je ne peux pas fonder intégralement le savoir scientifique sur la raison. En effet, la démonstration mathématique repose sur des principes premiers indémontrables et qui sont pourtant connus et évidents. C’est donc qu’il existe un autre ordre que celui de la raison, que Pascal appelle l’ordre de la charité, l’ordre du cœur. Cet ordre vient compléter celui de la raison et montre que la raison ne saurait disqualifier une autre voie d’accès à la vérité car des sciences comme les mathématiques se fondent sur ce que je connais par une autre voie, le cœur. C’est pourquoi, dit Pascal, c’est le cœur qui sent Dieu et non la raison.