La société de la connaissance : définitions, débats, enjeux
I. La connaissance, un paradigme récent lié à la diffusion des NTIC
Connaissance : Bachelard définissait la connaissance comme la réponse à une question. Cela signifie que la connaissance s’élabore par les scientifiques qui posent les bonnes questions, expérimentent et font des conclusions transmises à d’autres individus. Du point de vue des individus, la connaissance est le fait de savoir. L’individu a la nécessité d’être acteur de sa connaissance et de pouvoir utiliser le savoir. La connaissance n’est pas exactement l’équivalent de l’information, elle va plus loin. Cela nécessite une intégration et un usage par l’individu.
Société de la connaissance : la notion a été élaborée par Peter Drucker, un penseur américain du management au XXe siècle. Il a évoqué cette notion dans The Knowledge Society (1969). La société de la connaissance repose essentiellement sur la transmission de l’information. Les informations, en s’agrégeant deviennent des savoirs. À mesure que les médias contribuent à renforcer la densité des informations, comme les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication) et Internet, l’essentiel de nos activités humaines et économiques reposent sur la transmission de l’information et l’acquisition des savoirs.
Drucker réfléchit à la manière dont la connaissance va être intégrée à l’entreprise au niveau du management général mais également comment chaque salarié va pouvoir intégrer ces connaissances et les mettre au service de la production. Pour Drucker, il est donc crucial :
1. D’intégrer la connaissance dans son système de représentation.
2. D’utiliser la connaissance en vertu d’une finalité donnée par le management.
3. De rechercher la vérité, c’est-à-dire d’utiliser la connaissance dans un cadre de vérité pour l’individu.
Ces trois étapes permettent à l’individu de faire sienne la connaissance.
II. La connaissance, un objectif économique désormais crucial
La connaissance devient un objectif économique majeur pour les entreprises mais aussi pour les États. Drucker propose dans La société post-capitaliste de relire entièrement l’histoire du capitalisme depuis le XIXe siècle à travers la notion de connaissance. Au XIXe siècle, la connaissance était liée à des outils. À partir du XXe siècle, à l’ère de la productivité et notamment du taylorisme et du fordisme, la connaissance est liée au travail. Depuis les années 1970-1980, la connaissance est liée au savoir lui-même et à la manière dont on va rendre le savoir productif, en particulier dans une société tertiarisée puisque les services représentent entre 75 et 80 % du PIB.
Pour les États et les firmes, cela signifie encourager la recherche et le développement. L’État dépense une partie de la R&D (20-25 %) et le reste est dépensé par des firmes privées, aiguillées par l’État. À l’échelle de l’OCDE, des pays comme les États-Unis ou le Japon dépensent respectivement 2,7 % et 3 % de leur PIB pour la R&D. Jusqu’à 4,5 % pour la Corée du Sud, certains pays scandinaves ou Israël.
La recherche est donc essentielle pour un État. Cela peut passer par des organismes publics comme avec le CNRS en France (créé en 1945) ou via des voies davantage privées comme dans le cadre de la Silicon Valley en Californie. Dans ce cas, il s’agit d’abord d’investissements publics au profit de l’Université de Stanford, qui contribuent à agréger tout un ensemble de start-up privées, travaillant dans l’électronique et l’informatique, qui s’autonomisent progressivement jusqu’à constituer le foyer de la révolution d’Internet et des nouvelles technologies avec Apple, Google et d’autres firmes.
L’objectif économique que constitue la connaissance ne porte pas uniquement sur la recherche et le développement mais aussi sur la diffusion et la transmission du savoir. Les États doivent s’appliquer à développer leur enseignement supérieur, généraliste ou technologique, à former des cerveaux mais aussi à les attirer par le brain drain. À l’échelle du monde, seulement un tiers des jeunes accèdent à l’enseignement supérieur. Cela est surtout concentré dans quelques pays mais de plus en plus dans les pays émergents. L’Inde produit 350 000 ingénieurs par an, en partie dans l’informatique, ce qui permet l’émergence économique de l’Inde. Ils sont envoyés pour étudier et travailler à l’étranger et cela renforce la puissance économique et technologique indienne par les transferts de technologies.
III. La connaissance, un enjeu de puissance
La connaissance est un outil de soft power, de capacité d’influence dans le monde. On le voit avec les grandes universités américaines de la Ivy League qui dominent tous les classements, notamment le classement de Shanghai, dans lequel arrivent en deuxième place les universités asiatiques. Un autre exemple réside dans le nombre de prix Nobel scientifiques depuis 1901 : les États-Unis ont en reçu 377 (en 2020).
La connaissance peut également être un outil de hard power, notamment pour inventer de nouvelles armes de plus en plus sophistiquées qui incorporent toute la technologie possible. Les États-Unis sont en pointe, avec par exemple Lockheed Martin, la plus grande firme d’armement du complexe militaro-industriel qui est aussi numéro 1 dans le monde. Les pays émergents mettent le paquet sur la recherche militaire. Par exemple en 2019, la Chine s’est dotée pour la première fois d’un porte-avion qu’elle a fabriqué avec ses propres technologies.
Comme la technologie est un enjeu clé pour la puissance, on assiste à une recrudescence d’espionnage, aussi appelé « veille technologique » pour tenter de voir où en sont les rivaux et les dépasser. C’est un des nouveaux enjeux internationaux, comme l’a montré l’affaire Huawei. L’entreprise chinoise a été interdite d’investissements, d’abord aux États-Unis puis au Royaume-Uni, car on la soupçonne d’espionnage à grande échelle grâce à un dispositif de backdoors introduit dans ses téléphones portables.
Conclusion
La connaissance est devenue un enjeu considérable et une opportunité pour le développement économique et la puissance. Une information trop abondante peut aussi présenter des dangers. Dans les dictatures du XXe siècle, le contrôle de l’information et la diffusion massive d’informations dans le cadre de la propagande étaient des problèmes majeurs. Aujourd’hui, le problème se pose également pour les démocraties qui, par la presse et Internet, diffusent un nombre d’informations considérable, ce qui peut être une chance pour la démocratie, comme le révèle l’affaire Snowden, mais également un problème majeur lorsque les faits ne sont pas vérifiés, ce qui ouvre la voie aux théories du complot.