L’art de la parole au Moyen Âge

L'art de la parole au Moyen Âge

Contrairement à la période Antique, très étudiée concernant la question de la rhétorique, le Moyen Âge est une période qui est en général moins connue à cet égard. Au point qu’on pourrait parfois avoir l’impression qu’au Moyen Âge la rhétorique s’effacerait puis reviendrait en force avec les humanistes de la Renaissance. En réalité, la rhétorique continue à être pratiquée au Moyen Âge, à être questionnée et améliorée. De quelle manière pratique-t-on la rhétorique au Moyen Âge ?

 

I. Jean de Salisbury, Metalogicon, XIIe siècle

 

Jean de Salisbury est un auteur du XIIe siècle. Son texte, le Metalogicon, est un terme à consonance grecque qui signifie littéralement « après la logique ». Jean de Salisbury était le secrétaire de Thomas Becket et l’élève de Pierre Abélard, philosophe le plus connu de l’époque. Ce dernier a eu une relation amoureuse avec Héloïse et leur correspondance amoureuse en latin est particulièrement célèbre.

Remarque : il existe un film sur Thomas Becket. Il s’agit d’une adaptation d’une pièce de théâtre, réalisée dans les années 1970. Thomas Becket était un homme politique issu du peuple et conseiller du roi.

Dans le Metalogicon, Jean de Salisbury défend la littérature antique à un moment où cette dernière se fait éclipser par les textes sacrés (des problématiques similaires se posent à la Renaissance). Il défend la littérature antique en défendant le trivium, terme qui désigne les trois arts libéraux que sont  :

– La dialectique qui désigne la philosophie et la logique. Au Moyen Âge, cela fait plus particulièrement référence à tout ce qui relève de la lecture et de la traduction des textes d’Aristote.

– La grammaire renvoie à l’étude de la langue latine qui était considérée comme la langue savante.

– La rhétorique est synonyme de l’art de bien parler. Il défend donc l’intérêt de ces sciences en développant l’idée qu’elles sont formatrices et décisives dans l’éducation des personnes qui vont à l’université à son époque.

 

II. Guillaume de Machaut, Le Veoir Dit, XIVe siècle

 

Guillaume de Machaut est un auteur du XIVe siècle. Il a beaucoup écrit et c’est également un grand poète et musicien qui a bouleversé le monde de la musique de son époque. Il est particulièrement doué en polyphonie, c’est-à-dire dans l’écriture de musiques à plusieurs voix qui se superposent, qui ne chantent pas la même chose mais qui arrivent à créer une harmonie entre elles.

Il a également écrit des oeuvres littéraires, notamment le livre du Veoir Dit (Voir Dit en français contemporain), un roman épistolaire autobiographique (ou accepté comme tel) sous la forme d’un échange amoureux avec une jeune femme, qui aurait 19 ans au moment de l’écriture du roman. Dans le prologue de ce roman, Guillaume de Machaut parle de la rhétorique qu’il associe à la musique et au sens (à la signification). Pour lui, les trois vont ensemble. Il explique donc que les poèmes doivent à la fois être bien écrits du point de vue rhétorique, être mélodieux et également qu’ils portent un sens ou une émotion (le terme de « sens » renvoie aussi à l’époque à l’investissement personnel et affectif de l’auteur).

 

III. François Villon, « Le Testament », XVe siècle

 

François Villon est un poète et un brigand présumé qui aurait fréquenté des bandes de « coquillards », c’est-à-dire des bandes de voleurs et de malfrats qui avaient developpé un argot afin d’échapper à la surveillance d’éventuels espions de la police.

Il échappe plusieurs fois à la peine de mort et écrit dans ce contexte une grande partie de ses poèmes, notamment « Le Testament ». Il s’agit d’un poème adressé à tous ceux qu’il a connus, ou à ses juges pour obtenir leur pardon et tenter de s’en sortir. En anticipant un possible refus, il fait également un testament au sens propre du terme. Il s’agit donc d’une mise en pratique de la rhétorique puisque le but du texte est de convaincre (par la raison) et de persuader (par les émotions) ses interlocuteurs pour obtenir une grâce.

 

IV. Les sermons parodiques et le « Sermon de la Sainte-Andouille », XVe siècle

 

Les sermons sont des discours religieux prononcés pendant ou à la fin d’une messe dans le but de prodiguer des conseils moraux aux fidèles.

Les sermons parodiques sont, quant à eux, prononcés lors de fêtes, par exemple lors de repas de noces et parodient le discours religieux. Au lieu de prendre pour objet la vierge Marie, Jésus ou des saints, ils prennent par exemple pour objet une andouille et en font un objet de dévotion au même titre qu’une relique ou un saint, et elle devient alors « la Sainte-Andouille ». Il s’agit d’un discours rhétorique au premier degré, construit en respectant les règles de la bonne parole de l’époque, mais c’est également la parodie d’un autre type de discours qui se veut plus sérieux : le discours religieux.

 

Nota bene : il faut de préférence consulter ces textes en traduction et non en langue originale, car ils ont été écrits en latin, en ancien français ou en moyen français, ce qui les rend difficile à aborder.

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