Découverte historique expérimentale du circuit de la récompense chez le rat
Quand et comment le circuit de la récompense a-t-il été découvert ?
Le circuit de la récompense, que l’on appelle aussi circuit du plaisir ou circuit hédonique, est présent chez l’Homme mais a d’abord été découvert expérimentalement chez le rat.
Dans les années 1950, des recherches scientifiques ont vu le jour pour faire évoluer nos connaissances biologiques. Peter Milner travaillait sur une exploration fonctionnelle du cerveau du rat. Il implantait des électrodes dans le cerveau de rats vivants et leur envoyait des petites stimulations électriques pour étudier la réaction des animaux à ces stimulations.
Ce dispositif historique expérimental implique que le rat, ait la possibilité, dans sa cage, d’actionner un levier qui déclenche une décharge électrique dans son cerveau (sans douleur) d’intensité possiblement croissante. Les rats étaient d’abord habitués à actionner ce levier qui, au départ, ne leur procurait pas une décharge électrique mais une portion de nourriture.
James Olds était un étudiant doctorant à Montréal au Canada et travaillait sur le centre de la vigilance qu’il supposait présent à l’intérieur du cerveau des rats. Par le même type d’expérience, il essayait de stimuler le centre de la vigilance ayant pour objectif de faire éviter aux rats certaines zones de leur cage. L’idée était d’envoyer une décharge électrique qu’ils pensaient douloureuses ou désagréables. A chaque fois qu’ils appuyaient sur le levier, ils essaient donc d’éviter certaines zones de leur cage. Si la majorité des rats ont répondu correctement à la consigne et l’expérience de Olds, un d’entre eux, appelé Jack, a eu à ce moment-là un comportement anormal. A répétition, Jack allait dans les endroits de la cage qu’il était censé éviter et que les autres rats évitaient. De plus, lorsque l’on augmentait l’intensité de la décharge, Jack avait un comportement intensifié : il allait de plus en plus appuyer sur le levier et restait de plus en plus dans les zones à éviter. Lors de la dissection du cerveau de ce rat, Olds s’est rendu compte que l’électrode n’avait pas été implantée dans la même zone du cerveau que les autres rats (le centre de la vigilance) mais dans une zone définie comme le Septum.
Par la suite, l’expérience a été reproduite un grand nombre de fois par l’équipe de Milner et Olds mais aussi par d’autres équipes avec implantation d’électrodes dans le septum et dans l’aire tegmentale ventrale.
Comment fonctionne le circuit de la récompense ?
Lors de ce dispositif expérimental, on implante l’électrode dans le septum ou l’aire tegmentale ventrale. Lorsque le rat appuie sur le levier, il reçoit une petite décharge électrique qui est émise par un générateur électrique extérieur à sa cage.
On s’est rendu compte que les rats appuyaient de plus en plus souvent sur le levier dans le but de recevoir des décharges, jusqu’à 100 appuis/minute au maximum (6 000 appuis/heure). C’est donc que cette réception de décharge était associée dans leur cerveau à une réaction agréable.
Avec le temps, les rats ont développé un comportement complètement addictif par rapport à ce levier et cette décharge électrique avec une moyenne de 200 appuis/heure, et ce 24h/24. Malgré des tentatives de diversion (mettre une femelle dans la cage d’un mâle, fournir de la nourriture ou à boire, mettre la portée d’une femelle à côté d’elle), les rats délaissaient totalement ces occupations pour continuer à appuyer sur le levier et répéter ces simulations au niveau du cerveau.
On a donc pu observer des comportements d’addiction lorsque les électrodes étaient placées dans le septum ou l’aire tegmentale ventrale si bien que les chercheurs ont fini (en 1954) par définir les centres du plaisir (qui seront après reliés au circuit de la récompense). En stimulant certaines zones du cerveau, on obtient chez le sujet une sensation de plaisir et une recherche du renouvellement de cette sensation. Ces sensations de plaisir chez le rat étaient tellement intenses qu’ils ont abandonné toutes les satisfactions de leurs besoins vitaux (se nourrir, se reproduire, boire) jusqu’à mourir de déshydratation dans leur cage. On a d’ailleurs remarqué que lorsque les intensités de stimulation étaient bien plus fortes que ce qu’elles étaient au départ, les propulsant parfois à d’autres endroits de la cage, les rats revenaient quand même vers le levier.
On a donc ici mis en avant des sensations de plaisir addictives déclenchées par la stimulation de certaines aires du cerveau, sensations qui n’amènent pas de satiété.
Centres du plaisir et circuit de la récompense chez le rat
I. Fonctionnement global
Comment fonctionne le cerveau du rat ?
Cette coupe sagittale du cerveau du rat nous montre le cerveau de l’avant à l’arrière (vue de la gauche). Plusieurs zones impliquées dans la sensation de plaisir sont représentées. Le fonctionnement coordonné de l’ensemble de ces zones, qui sont pour certaines appelées des noyaux, participe au circuit de la récompense chez le rat.
En bleu, vers l’avant se trouve le Septum et vers l’arrière l’Aire Tegmentale Ventrale (ATV), qui sont les deux zones définies historiquement par Olds et Milner, deux chercheurs de Montréal, comme les centres du plaisir. Ils ont mis en évidence l’existence de ces deux zones en implantant à des rats vivants des électrodes dans ces zones qu’ils stimulaient par de petites décharges électriques et qui procurait chez les rats des sensations agréables qui se traduisaient par une recherche de renouvellement de ces sensations (et même une addiction réelle).
Historiquement, les centres du plaisir étaient donc ces deux zones mais les autres zones représentées sont impliquées dans un fonctionnement plus global d’un circuit du plaisir. D’abord, l’hippocampe est impliqué dans la mémorisation des expériences par l’animal, l’amygdale dans les émotions et enfin l’hypothalamus dans les fonctions hormonales de l’animal. A l’avant du cerveau, le cortex préfrontal est impliqué dans la répétition des tâches.
II. Fonctionnement neuronal
Quel est le rôle du cerveau dans la sensation de plaisir ?
Au niveau fonctionnel, certains neurones sont impliqués dans ces sensations agréables. Tout part du cortex sensoriel qui reçoit et transmet des informations issues de stimulations extérieures (exemple du rat qui appuie sur le levier mais aussi d’un rat qui rencontre un partenaire ou qui se trouve face à de la nourriture). Ces informations issues de stimulations extérieures sont transmises à l’aire tegmentale ventrale, également stimulée par d’autres zones du cerveau.
De façon simplifiée, ces neurones, des neurones à dopamine (neurotransmetteur, molécule chimique produite par les neurones de l’ATV) viennent stimuler d’autres neurones dans le cerveau. Principalement, la dopamine vient stimuler la zone du Noyau Accumbens (NA) impliquée dans la sensation de plaisir. Autrement dit, on a pu chimiquement réaliser expérimentalement le fait que lorsqu’il y a une libération de dopamine par les neurones de l’ATV, elle se fait beaucoup dans le NA et cela s’accompagne immédiatement d’une sensation de plaisir.
Conclusion : Concernant la coupe sagittale, on peut donc dire que l’aire tegmentale ventrale reçoit des stimulations par différentes zones notamment par le cortex sensoriel. Une activation de l’ATV provoque une libération de dopamine, principalement au niveau du NA, et donc une activation des neurones de ce noyau. Par la suite, il y a d’une part, sensation agréable, d’autre part, intervention éventuelle des autres zones, en fonction des tâches, des réactions du rat, et notamment une activation du cortex préfrontal. Il y a donc une collaboration entre les différentes aires du cerveau avec une possible mémorisation de la sensation (hippocampe), un appel éventuel aux émotions (amygdale), un appel éventuel à la fonction hormonale (hypothalamus), le tout formant le circuit de la récompense. On est donc passé de centres du plaisir isolés à la réalisation qu’il existe tout un circuit de la récompense avec des zones réparties dans l’ensemble du cerveau qui collaborent et qui sont plus ou moins activées en fonction des sensations mais qui aboutissent toujours à une sensation de plaisir, agréable pour l’animal. Ces sensations résultent de cette activation de neurones à dopamine ayant pour conséquence la recherche du renouvellement de l’expérience qui a déclenché la libération de dopamine et elles ont parfois pour autre conséquence un comportement addictif chez les animaux.
Le circuit de la récompense humain
Le circuit de la récompense est un ensemble de zones dans le cerveau qui sont impliquées dans des sensations agréables suite à des actions ou des interactions de notre environnement. Ce circuit de la récompense a d’abord été défini expérimentalement chez le rat. On applique alors ces théories à l’humain en utilisant une coupe sagittale de cerveau humain, qui va de l’avant à gauche à l’arrière à droite. On voit ici un cerveau comme si on l’avait coupé en deux en passant par le nez.
I. Les zones impliquées dans le circuit de la récompense
Quelles sont les zones du cerveau impliquées dans le circuit de la récompense ?
Une des zones principales à connaître est l’aire tegmentale ventrale qui se situe dans le tronc cérébral à l’arrière du cerveau. Cette zone agit de façon assez directe sur le noyau accumbens qui se situe en plein cœur du cerveau et également sur le cortex préfrontal. Enfin, les zones en jaune peuvent être qualifiées de secondaires mais ont aussi un rôle dans le circuit de la récompense :
– l’hippocampe est impliqué dans la mémorisation de ces sensations agréables ;
– l’amygdale est impliquée dans la décision, le ressenti du caractère plaisant ou non des expériences ;
– l’hypothalamus, qui a de nombreuses fonctions dans notre organisme, est lié ici à la genèse des comportements, par exemple le comportement de répétition lorsqu’on ressent une sensation agréable.
II. Le fonctionnement du circuit de la récompense
Quel est le fonctionnement du circuit de la récompense ?
Au niveau du fonctionnement, l’aire principale est l’aire tegmentale ventrale. Elle réagit d’abord aux stimulations extérieures qui déclenchent une sensation agréable (c’est le cas de la nourriture ou de l’activité sexuelle) puis elle vient stimuler via un neurotransmetteur (molécule chimique particulière) plusieurs des autres zones. Tout d’abord, elle a une action directe sur le noyau accumbens qu’elle stimule par un neurotransmetteur particulier : la dopamine. L’aire tegmentale centrale stimule également le cortex préfrontal ainsi que l’amygdale. Elle est donc responsable de l’activation secondaire du reste du circuit de la récompense.
Secondairement, d’autres neurones sont aussi impliqués. Le cortex préfrontal vient stimuler le noyau accumbens mais aussi l’amygdale. Les zones peuvent également communiquer entre-elles (de l’amygdale vers l’hypothalamus ; de l’hypothalamus vers l’aire tegmentale ventrale). On a donc ici de façon simplifiée le circuit de la récompense qui a une influence majeure sur le système de décision qui influence notre comportement. Il existe également un circuit de punition qui fait appel à d’autres neurotransmetteurs et à d’autres zones du cerveau mais il peut aussi influencer le fonctionnement du circuit de la récompense. Ces deux circuits peuvent donc interagir dans notre prise de décision.
En haut de la coupe est représenté le cortex, très développé chez l’homme, et qui a une influence supérieure sur l’ensemble de ces zones dans le circuit de la récompense et de la punition. L’influence corticale est bien supérieure chez l’homme que chez n’importe quelle autre espèce, par exemple par rapport au rat.
III. Une stimulation principale : le comportement sexuel
On peut étudier une des stimulations principales du circuit de la récompense humain qui est lié au comportement sexuel humain. Ce comportement est très différent chez l’homme que chez n’importe quelle autre espèce. En effet, il y a chez l’espèce humaine une dissociation entre sexualité et reproduction ce qui n’est pas ou peu le cas chez d’autres espèces.
De plus, il y a chez l’espèce humaine une faible dépendance du comportement sexuel par rapport aux hormones. Les hormones sexuelles féminines influencent peu, voire pas, le comportement sexuel. En revanche, chez l’homme, les hormones masculines comme la testostérone ont une influence (même si elle est réduite) sur le comportement sexuel. Attention : l’hormone sexuelle testostérone est principalement produite chez les hommes mais est également produite en petite quantité chez la femme et a une influence sur son comportement sexuel. Néanmoins, les comportements sexuels humains ont une faible dépendance hormonale. Cependant, il y a une forte influence du circuit de la récompense qui amène des sensations agréables influençant le comportement sexuel. Il faut aussi ajouter la composante psychologique chez tous les individus et un certain facteur affectif (relations), cognitif (enfance, apprentissages, expériences) et culturel sur ce comportement.
Conclusion : Le comportement sexuel dans l’espèce humaine est donc par certains points comparable avec celui d’autres espèces mais aussi très différent et beaucoup plus complexe. Cette complexité fait l’originalité de notre espèce par rapport aux autres. Elle fait aussi l’originalité de chaque individu avec un comportement sexuel propre. Enfin, elle repose sur le fait que la recherche de désir et de plaisir ont à la fois une composante biologique et physiologique et aussi des facteurs affectifs et psychologiques très forts.