Le fantastique
Le fantastique est un registre littéraire, c’est-à-dire, une manière d’écrire ou de raconter une histoire qui implique un certain nombre d’éléments de contrainte et qui génère une certaine émotion.
I. Qu’est-ce que le fantastique ?
Le registre fantastique se caractérise par la survenue d’un élément surnaturel dans un univers réaliste, familier. C’est un registre littéraire qui apparaît au XIXe siècle environ.
Cela veut dire qu’on raconte une histoire qui semble banale où tout est crédible, puis tout d’un coup, il y a un élément qui déroge à la règle de la logique et qui normalement fait peur. Le personnage principal se demande si cet élément peut être expliqué rationnellement ou s’il s’agit vraiment de quelque chose de surnaturel, que ce soit un fantôme, une apparition de monstre ou un autre élément surnaturel qui survient et qui apporte un danger. C’est rarement pour faire du bien que l’élément surnaturel arrive dans le fantastique.
II. Quels sont les autres genres proches du fantastique ?
Il ne faut pas confondre le fantastique avec le merveilleux, puisque dans le merveilleux on est dans un univers où le surnaturel est normal. Quand on est dans un univers merveilleux, par exemple, dans les romans de chevalerie, il y a des fées, des magiciens, des sorcières ou alors des fontaines avec des propriétés particulières : la fontaine qui bout, par exemple dans Yvain ou le chevalier au lion. Tous sont des éléments merveilleux qui suscitent l’admiration et qui n’effraient pas ou très peu car ils sont considérés comme normaux dans cet univers-là. En ce sens, le merveilleux se rapproche plus de la fantasy au cinéma et dans les nouvelles catégories de romans jeunesse. La fantasy est aussi un univers merveilleux. Il y a du surnaturel mais tout cela est cohérent et ne pose pas de problème.
De même, pour la science-fiction, qui est aussi un genre littéraire. Dans la science-fiction on prend des éléments scientifiques et on essaie de les pousser à leur paroxysme, soit dans leurs conséquences ou dans des nouvelles lois qu’on pourrait inventer sur le voyage dans le temps, par exemple, pour en faire des histoires. Mais on n’essaie pas d’introduire du surnaturel : c’est à partir de la science qu’on développe des hypothèses un peu extrêmes, mais on reste dans des choses qui sont censées pouvoir être faites dans un cadre réaliste, en exagérant un peu.
L’horreur est encore autre chose, parce qu’il y a aussi cette dimension de peur comme dans le fantastique, mais l’horreur repose entièrement sur la peur, tant pour un film d’horreur comme pour un livre d’horreur. Le but est de faire peur, alors que dans le fantastique ce n’est pas le but. Le but est plutôt l’inquiétude de l’étrangeté, de l’espèce de malaise qui s’instaure face à quelque chose qui ne rentre pas dans le cadre et qui dérange justement ce qu’on connaît de la réalité.
III. Histoire littéraire
Le terme fantastique vient de phantastikos, terme grec qui veut dire « irréel », « imaginaire ». Même dans le terme, il y a l’idée de ce qui est en dehors de la réalité, ce qui dérange le cours ordinaire des choses.
C’est un registre qui apparaît au XIXe siècle d’abord chez les Romantiques : Naudier, Gautier, Mérimée. Ils ont rédigé soit des nouvelles, soit de courts poèmes fantastiques. Néanmoins, les œuvres que l’on connaît le plus parmi les nouvelles fantastiques sont Le Horla de Maupassant et La Peau de chagrin de Balzac.
A. La Peau de chagrin de Balzac
Dans La Peau de chagrin, le chagrin n’est pas seulement d’être triste. C’est peau particulière qui s’appelle « le chagrin », qui est une très belle pièce de cuir que le héros de l’histoire va acheter chez un antiquaire. C’est en fait une peau magique. Tout est décrit normalement : il y a une vraie brocante, le personnage est tout à fait crédible et il achète finalement une pièce de cuir. Ce n’est pas exceptionnel en soi, sauf que c’est une peau qui lui permet de réaliser ses souhaits dès qu’il veut quelque chose. Il n’a même pas besoin de formuler le souhait (comme dans le pacte avec le diable ou les histoires du malin génie dans Aladdin), il a juste à vouloir quelque chose pour que tout de suite, la peau, par un effet magique, fasse réaliser le souhait, et puis elle rétrécit. À mesure qu’elle rétrécit, c’est la vie du personnage qui s’amenuise, ses forces vitales baissent et il va finir par mourir, à force de vouloir des choses et de ne pas pouvoir restreindre sa volonté.
Tout l’enjeu du livre est de réussir à ne plus rien vouloir pour réussir à survivre aussi longtemps que possible. Le démon surnaturel est cette peau magique qui finalement est une malédiction et en même temps est une bénédiction pour lui, dans un univers qui est, au début, réaliste et familier.
B. Le Horla, de Maupassant
Dans cette nouvelle, Maupassant nous livre le journal intime de quelqu’un qui se rend compte qu’il y a des choses bizarres qui se passent chez lui et qui se demande s’il n’y a pas quelqu’un d’autre chez lui. Par exemple, quelqu’un qui, pendant qu’il dort, boit dans son verre d’eau sur sa table de chevet, ou qui déplace des objets, etc. Il y a une dimension de surnaturel, d’éléments bizarres qui inquiètent et qui dérangent un cadre familier et réaliste.
IV. Le héros dans le fantastique
Dans les textes fantastiques, le héros commence toujours par refuser le surnaturel. Il n’adhère pas, au contraire du merveilleux, en se disant « c’est super, il y a quelque chose de bizarre ; ça doit forcément être un élément irréel, surnaturel que je ne contrôle pas ». Au début, il essaie d’avoir une explication rationnelle, de ramener cet élément bizarre à quelque chose de connu, mais cela ne marche pas et cela instaure une peur. Parfois on parle d’une « inquiétante étrangeté » : c’est un terme de Freud pour dire que tout est familier mais il y a quelque chose qui ne va pas.