Le portrait charge
Parfois, les auteurs font la critique d’un personnage ou même d’une institution uniquement à travers le portrait de quelqu’un. C’est un procédé comparable à la caricature en arts plastiques : c’est le dessin d’un visage ou d’un corps où les traits sont grossis pour en faire une critique morale ou de ce qu’il représente.
Dans les portraits charges littéraires, il y a plusieurs figures de style. Tout d’abord, ce qui est de l’ordre de l’exagération.
I. Les figures de style
– L’hyperbole : c’est le fait de parler de manière exagérée de quelque chose. Exemple : « il est démesurément grand ».
– L’accumulation : c’est une liste de plus de trois termes, qui paraît longue et qui permet d’insister sur un détail du personnage.
– L’énumération et la gradation : liste de trois termes. Il est possible de parler de gradation quand les termes sont classés du terme le plus petit au plus grand ou inversement.
– Les termes dépréciatifs : des termes qui font la critique des personnages, il faut être attentif à la connotation des mots : le mot « blanchâtre » est composé du suffixe dépréciatif « -âtre ».
– La litote : c’est faire semblant d’en dire moins pour en fait en dire plus. Exemple : « lui il n’est pas très grand » signifie qu’il est vraiment très petit. Une litote passe souvent par une tournure négative.
II. Interprétation des figures de style
Comme toutes les figures de style, il faut les repérer mais aussi les interpréter, c’est-à-dire qu’il faut interpréter ce qui est grossi du personnage et pourquoi, ce que l’auteur critique en réalité.
Exemple dans Les Caractères, La Bruyère : « Il grossit sa voix à mesure qu’il s’approche. Le voilà rentré : il rit, il crie, il éclate ; on bouche ses oreilles, c’est un tonnerre. Il n’est pas moins redoutable par les choses qu’il dit que par le ton dont il parle. »
Dans cet exemple, il y a des figures de style énumérées plus haut. Il y a une hyperbole : « c’est un tonnerre » : c’est une métaphore qui a une portée hyperbolique puisque le son de la voix du personnage est son fort qui est comparé au bruit du tonnerre. Il y a une énumération, qui peut être interprétée comme une gradation « Il rit, il crie, il éclate » du moins bruyant au plus bruyant.
Il y a des termes dépréciatifs comme l’adjectif « redoutable » qui est dépréciatif pour le personnage.
Il y a également une litote : « Il n’est pas moins redoutable par les choses qu’il dit », en réalité les choses qu’il dit sont vraiment redoutables.
Comment interpréter ce relevé de figures de style ? Qu’est-ce qui est accentué chez le personnage ? Si c’était un dessin, quelle serait la partie du personnage qui serait la plus grosse ?
Ici, c’est quelque chose qui se situe au niveau de la bouche. Si c’était un dessin, il y aurait quelque chose qui sortirait de la bouche, des éclats de voix. C’est vraiment le son que produit le personnage qui est accentué. Il y a également énormément de vocabulaire qui fait référence à la voix, au rire, à l’éclatement : les verbes « dire » et « parler ». Il y a donc une accumulation de plusieurs termes qui désignent la voix et le bruit.
Comment interpréter ce que critique La Bruyère dans ce début de portrait ?
Pour cela, il faut regarder la dernière phrase : l’auteur parle du ton du personnage, mais aussi du contenu de ses discours. La Bruyère ne critique pas tant le bruit que l’excès dans le discours qui va à l’encontre des règles de politesse du XVIIe siècle et notamment de la mesure d’un personnage bien élevé qui reste dans les cadres transmis par la société.