Les fondements du commerce international

Comment expliquer l’internationalisation des échanges ?

Depuis la Seconde Guerre mondiale, on assiste à une explosion des échanges internationaux. Les exportations et les importations à l’échelle mondiale augmentent deux fois plus vite que la production mondiale. Une partie de plus en plus importante de la production mondiale est destinée aux échanges internationaux. Il faut donc essayer de comprendre comment on peut expliquer l’internationalisation des échanges.

L’internationalisation des échanges n’est pas quelque chose de nouveau, puisqu’on parle aujourd’hui d’une seconde mondialisation. Il y avait déjà eu une première mondialisation avant la Première Guerre mondiale. Dès le XIXe siècle par ailleurs, des économistes ont essayé d’expliquer et de promouvoir le commerce international.

 

I. Les théories classiques du commerce international (Smith et Ricardo)

C’est le cas notamment des économistes classiques, Adam Smith et David Ricardo en tête. Ils considèrent que les nations ont intérêt à échanger. Adam Smith considère que les nations ont intérêt à se spécialiser dans la production des biens pour lesquels elles ont un avantage absolu, c’est-à-dire la production des biens pour lesquels elles sont le plus efficace, car elles pourront produire davantage et échanger avec d’autres nations des biens qu’elles produisent moins efficacement.

Dans le prolongement de cette théorie, Ricardo élabore la notion d’avantage comparatif, et considère que même si on n’a pas un avantage absolu, si on n’est pas le plus efficace dans la production d’un bien, on a intérêt à se spécialiser dans la production du bien pour lequel on est le « moins mauvais », puisqu’il y a aura quand même des gains à la spécialisation et à l’échange.

Voilà pour les théories classiques qui expliquent pourquoi les pays ont intérêt à se spécialiser et à échanger à l’échelle mondiale. Il y a un gain à la spécialisation. On produit davantage donc cela coûte moins cher de se spécialiser et d’échanger. Les limites de ces théories sont qu’elles ne considèrent qu’un facteur de production, le facteur travail, et ne prennent pas en compte les autres facteurs.

 

II. Les théories néo-classiques du commerce international (Théorème HOS)

Ces autres facteurs sont pris en compte par les économistes néoclassiques, notamment dans le théorème HOS, Heckscher-Ohlin-Samuelson. Ils prennent en compte les différences de dotation. Ils considèrent que les pays ont intérêt à se spécialiser dans la production d’un bien nécessitant une grande quantité de la ressource pour laquelle ils sont le mieux dotés. Par exemple, la Nouvelle-Zélande se spécialise dans l’élevage car cela nécessite de vastes espaces. D’autres pays peuvent se spécialiser dans des productions qui demandent beaucoup de technologies, etc. Chaque pays se spécialise donc dans la production de la ressource dont il est le mieux doté. Cela explique les échanges.

 

III. Les nouvelles théories du commerce international

Les nouvelles théories du commerce international prolongent les théories néo-classiques en accentuant l’aspect des stratégies des entreprises, notamment en répondant à une demande de diversité des consommateurs, en s’implantant sur des nouveaux marchés, etc. Donc les nouvelles théories du commerce international s’intéressent au phénomène du commerce intrabranche, c’est-à-dire que des pays échangent des produits similaires. L’Allemagne et la France échangent des voitures par exemple.

Pour expliquer cela, on prend en compte le désir de diversité du consommateur du côté de l’offre, et la volonté de conquérir de nouveaux marchés par les producteurs du côté de la demande. Pour reprendre l’exemple des voitures, les consommateurs allemands et français souhaitent avoir le choix dans leur marque de voiture. À cette demande répond l’offre des producteurs qui verront ainsi s’élargir leur marché.

 

IV. Réduction des coûts et amélioration des conditions de transports

Sous des aspects plus techniques, l’internationalisation des échanges s’explique aussi par l’amélioration des conditions de transports, notamment l’invention des conteneurs et porte-conteneurs, qui permettent de stocker et de transporter dans des formats très calibrés de très grandes quantités de produits en minimisant les coûts de main-d’œuvre.

Les coûts de transport ont aussi beaucoup diminué. Les prix du transport maritime ont été divisés par huit depuis le XIXe siècle.

 

V. Une volonté politique de libéralisation des échanges

L’internalisation des échanges correspond aussi à une volonté politique de libéralisation qui se traduit par des institutions internationales. C’est notamment le GATT, remplacé par l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), qui est une institution internationale promettant le commerce international notamment en limitant les barrières à l’échange. Il y a une volonté politique de libéralisation des échanges.

Le rôle des entreprises dans la mondialisation de la production

Les entreprises qui participent à la mondialisation sont appelées firmes transnationales (FTN). Ce sont des entreprises qui ont au moins une filiale à l’étranger et qui produisent en dehors de leur pays d’origine grâce à leur(s) filiale(s). S’il n’y a que des unités de commercialisation à l’étranger, on ne peut pas parler de FTN : il faut obligatoirement qu’une partie de la production se fasse à l’étranger.

Les investissements directs à l’étranger (IDE) permettent aux FTN de se constituer en implantant ou rachetant des unités de productions à l’étranger. La nationalité d’une FTN est celle de l’implantation de sa maison-mère.

 

Quelles sont les stratégies des FTN pour choisir les pays dans lesquels elles implantent leur(s) filiale(s) ?

Ces stratégies relèvent de Décomposition Internationale des Processus Productifs (DIPP), c’est-à-dire que les entreprises vont s’implanter dans les endroits où elles pourront bénéficier des avantages comparatifs des différents pays. Par exemple, elles peuvent faire une partie de leur production qui nécessite beaucoup de main-d’œuvre et peu de qualification dans certains pays, mais d’autres parties qui nécessitent beaucoup de qualification dans d’autres pays. Elles peuvent éventuellement produire en fonction des ressources du pays. Pour une voiture par exemple, les tissus pour les sièges peuvent être produits en Asie, les circuits électroniques en Europe ou en Amérique, etc. Ces pièces vont être rassemblées avant la commercialisation. Pour certaines voitures, le châssis peut traverser plusieurs fois la frontière pour être monté progressivement. La DIPP fait que l’on va produire des petits bouts du produit fini à différents endroits de la planète puis les recomposer ultérieurement. Cela peut se faire en vertu de deux stratégies différentes mais par forcément antagoniques :

– Il peut y avoir recherche de compétitivité-prix. Les entreprises peuvent vouloir chercher chaque élément de leur produit fini là où cela leur coûtera le moins cher, ou là où elles auront davantage de ressources. On va produire les parties qui nécessitent beaucoup de main-d’œuvre là où elle est abondante et bon marché. On va produire les parties nécessitant une grande quantité d’une ressource là où cette ressource est abondante. Il y a une quête de rationalisation des prix : on cherche à produire à moindre coût pour augmenter la compétitivité-prix.

– La seconde stratégie est appelée stratégie de marché, c’est-à-dire qu’on cherche parfois à s’implanter au plus près des consommateurs pour pouvoir répondre au mieux à leur demande. C’est une façon d’augmenter la compétitivité hors-prix, c’est-à-dire d’améliorer la qualité de la réponse à la demande locale.

Tous ces éléments permettent d’expliquer le développement des FTN et leur participation à la DIPP. On assiste à une véritable explosion du nombre de FTN puisqu’on a plus de 80 000 FTN dans le monde, avec en moyenne 10 filiales chacune.

Les conséquences du libre-échange

Nous assistons à une libéralisation des échanges sous l’influence notamment des firmes transnationales (FTN) qui implantent des filiales dans différents pays. Il est important de comprendre les conséquences du libre-échange et de la décomposition internationale du processus de production (DIPP) à la fois dans les pays d’accueil et d’origine.

 

I. Les pays d’accueil

Les pays d’accueil sont ceux qui reçoivent les investissements directs à l’étranger (IDE), c’est-à-dire ceux qui accueillent les filiales des FTN.

 

A. Effets positifs

Pour ces pays, le premier avantage est la création d’emploi et la formation de la main d’œuvre. C’est un atout à la fois par le développement économique et le développement social du pays.

Par ailleurs, en règle générale, l’implantation de nouvelles entreprises dans un pays permet des transferts de technologie. Des savoir-faire et des savoirs technologiques sont transférés et acquis par les travailleurs, les chercheurs et les ingénieurs du pays d’accueil.

Ensuite, l’implantation d’une unité de production dans un pays permet le développement d’usines de sous-traitance, c’est-à-dire des usines qui fournissent des produits à cette unité de production. Cela stimule la croissance.

Dernier avantage, on assiste à une augmentation des recettes fiscales, puisque s’il y a plus de production et d’emplois, il y a plus de recettes fiscales qui permettront le développement économique mais aussi social du pays.

 

B. Effets négatifs

En contrepartie de ces avantages, l’implantation de filiales à l’étranger et le développement des FTN ont des conséquences négatives dans le pays d’accueil. La première chose est la mise en concurrence des différents pays d’accueil par les FTN.

Elles vont les inciter à se montrer très favorables en règles fiscales ou environnementales. On parle de recours au moins-disant fiscal, c’est-à-dire se montrer le moins exigeant possible sur les normes fiscales pour attirer les FTN.

Le troisième inconvénient du développement des FTN pour le pays d’accueil est la dépendance économique vis-à-vis des FTN qui peut s’avérer problématique car les pays ont besoin d’être politiquement indépendants et souverains pour prendre des décisions économiques et politiques.

Enfin, un dernier inconvénient très largement constaté est l’occidentalisation des modes de vie et des cultures. Ce n’est pas forcément dramatique qu’il y ait réappropriation de modes de vie occidentaux, mais le problème est que cela se fait souvent au détriment des cultures locales, et cela produit un appauvrissement culturel des pays d’accueil.

 

II. Les pays d’origine

A. Effets positifs

Pour les pays d’origine, les avantages sont en premier lieu la diminution des coûts et la baisse des prix puisque c’est un des intérêts recherchés par les FTN lorsqu’elles s’implantent à l’étranger. Cette diminution des coûts vise à améliorer leur compétitivité-prix.

Cela est aussi un avantage pour les consommateurs des pays d’origine, qui vont bénéficier d’une hausse de pouvoir d’achat qui implique une hausse du profit des entreprises du pays d’origine. Ils pourront utiliser ce profit pour faire de la recherche et développement, et innover.

Cela permet aussi de développer des activités à plus forte valeur ajoutée, puisqu’on délocalise en général les activités à faible valeur ajoutée. Le développement de ces activités à forte valeur ajoutée crée des emplois très qualifiés dans les pays d’origine.

 

B. Effets négatifs

Là encore, ces avantages ont un revers. Les délocalisations spécialisent les pays d’origine dans des emplois plus qualifiés et donc un certain nombre de travailleurs non qualifiés se retrouvent au chômage. Effectivement, une bonne partie des chômeurs sont des travailleurs peu qualifiés, bien que le chômage ne se résume pas à cela.

Cela entraîne des coûts sociaux élevés, car il faut prendre en charge ce chômage. A terme, cela risque de menacer la protection sociale. D’une part, parce que plus il y a de chômage, plus la protection sociale coûte chère et moins elle bénéficie de recettes.

Par ailleurs, il y a un risque de dumping social ou fiscal c’est-à-dire une mise en concurrence des pays d’origine en termes de droits du travail ou de protection sociale avec les pays d’accueil, par un jeu de chantage avec cette protection sociale. Si la fiscalité ou le droit du travail sont trop contraignants, les entreprises peuvent menacer de délocaliser dans des pays plus favorables. Ce dumping existe déjà et a des conséquences très lourdes aujourd’hui.

Enfin, on note le risque de désindustrialisation. Or, un pays doit garder une activité industrielle car cela crée des emplois et assure une certaine indépendance.

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