Le Moyen-Orient et les guerres d'Irak et leurs conséquences
Trois guerres successives ont impliqué l’Irak au Moyen-Orient depuis les années 1980 :
– Une guerre contre l’Iran, grand ennemi chiite.
– L’invasion du Koweït qui s’est soldée par la guerre du Golfe.
– L’intervention militaire américaine et le basculement de l’Irak dans la guerre civile.
Ces conflits irakiens ont pris le pas sur les conflits israélo-arabes jusqu’à être le principal facteur d’insécurité et de déstabilisation qui mène au terrorisme local et international avec Al-Qaïda et Daech.
I. La guerre Irak-Iran (1980-1988)
Il s’agit d’une guerre entre deux nations et presque entre deux nations opposées qui s’affrontent :
– L’Irak de Saddam Hussein (1937-2006) qui est dépositaire de l’idéologie panarabe (idée d’une grande nation arabe qui est une idéologie laïque et modernisatrice) d’inspiration socialiste face à l’Iran.
– L’Iran qui, depuis la révolution islamiste de 1979, porte au pouvoir l’ayatollah Khamenei et son idéologie chiite révolutionnaire, ennemi des sunnites. Il s’agit aussi d’une idéologie théocratique où la charia (la loi divine) s’applique aux hommes.
Il y a des enjeux géopolitiques puisque Saddam Hussein, en envahissant l’Iran veut contrôler toute la région du Chatt-el-Arab et les gisements pétroliers qui s’y trouvent pour ainsi dominer le Moyen-Orient alors que l’Égypte s’est rapprochée des Occidentaux. Saddam Hussein se rêve donc en roi des Arabes.
Il s’agit d’une guerre d’anéantissement et les civils sont au cœur des combats, notamment lorsque l’Iran mène la contre-offensive et fait durer la guerre jusqu’en 1988 en appliquant des enfants-soldats. Il y a eu plus d’un million de morts et la guerre se termine sur une paix blanche, sans réel vainqueur. En revanche, sur le plan politique, l’Iran tire les lauriers de sa résistance aux Arabes et l’Irak, à la suite de l’Égypte, fait petit à petit décliner l’influence du panarabisme au Moyen-Orient.
II. La guerre du Golfe (1991) et ses suites
Saddam Hussein attaque le Koweït au motif de prétendus droits historiques sur cet émirat. Il reproche au Koweït d’avoir volé du pétrole à l’Irak pendant la guerre et d’être trop conciliant face à Israël. Saddam Hussein pense se refaire en contrôlant le Koweït : il aurait mis la main sur 10 % des réserves mondiales de pétrole et aurait incarné la lutte contre Israël, après avoir échoué à vaincre l’Iran.
Avec l’intervention occidentale, la deuxième guerre d’Irak devient la guerre du Golfe. Il s’agit d’une coalition internationale d’une trentaine de pays, réunis par les États-Unis début 1991 pour libérer le Koweït. Cette guerre est souvent considérée comme l’entrée dans un nouvel ordre mondial post-Guerre froide. L’URSS n’a pas mis son véto. Quatre pays arabes se sont joints à la coalition et les Américains ont débarqués 500 000 soldats plus 200 000 issus de contingents étrangers en Arabie Saoudite pour libérer le Koweït.
Une fois les armées de Saddam Hussein repliées en Irak, les Américains n’ont pas touché au régime car ils pensaient à une grande insurrection civile avec les Kurdes au Nord, les chiites pro-iraniens au Sud. Or, Saddam Hussein a réprimé très fortement les minorités en gazant notamment les Kurdes. La communauté internationale est restée relativement passive.
L’ONU organise une opération « pétrole contre nourriture » pour permettre aux populations civiles de s’en sortir car le pays était sous embargo par les États-Unis. Il n’empêche que Saddam Hussein a renforcé son pouvoir. À la fin des années 1990, on le soupçonnait de dissimuler des armes de destruction massive et notamment un programme nucléaire militaire. C’est pourquoi la suite de la guerre se traduit par des frappes aériennes menées par les Américains et les Anglais, sans accord de l’ONU, sur des cibles militaires.
En revanche la présence des forces coalisées en Terre sainte fut considérée comme une atteinte au droit des musulmans et à la loi coranique. C’est pourquoi Al-Qaïda, mené par Oussama Ben Laden s’est mis à combattre les Américains, les Saoudiens et leurs alliés, responsables d’avoir laissé des étrangers entrer en Terre sainte. À la fin des années 1990, le terrorisme d’Al-Qaïda commence à se révéler au Moyen-Orient avec des attentats contre des bases militaires américaines et contre l’Arabie saoudite.
Le nouveau président George W. Bush (2001-2009), élu en 2000, pense que le travail n’a pas été terminé et trouve que son père, G. H. W. Bush (1989-1993) n’est pas allé assez loin pour défaire S. Hussein. Or, George W. Bush a autour de lui des conseillers néoconservateurs qui pensent que pour créer les conditions de la démocratisation au Moyen-Orient, il faut renverser les dictatures et créer un processus comparable à l’Europe de l’Ouest en 1989.
Les attentats du 11 septembre 2001 prennent Bush et son administration par surprise et leur donnent le prétexte à réaliser le Greater Middle East, qui consiste à aller porter la guerre en Irak pour renverser Saddam Hussein et créer un Moyen-Orient libéral et démocratique. À l’époque, l’administration Bush a créé de toutes pièces les preuves qui reliaient S. Hussein à Al-Qaïda et Ben Laden (responsables des attentats du 11 septembre). Ils ont tenté de convaincre la communauté internationale du bien-fondé d’une nouvelle opération militaire conjointe dans le Golfe. Toutefois, l’ONU n’a pas donné son accord et les États-Unis sont partis à la tête de leur propre coalition, malgré l’opposition de la France, l’Allemagne et la Russie.
La coalition a lancé l’opération « Liberté pour l’Irak » entre mars et mai 2003. Elle a été un grand succès militaire puisque les armées de S. Hussein ont été battues et celui-ci a dû se cacher pendant plusieurs années avant d’être attrapé. Son régime s’est effondré rapidement mais le problème réside dans l’après-guerre. Rien n’avait été prévu pour l’occupation et la reconstruction du pays qui se sont faites dans l’improvisation. Le gouverneur Paul Bremer, nommé pendant un an pour reconstruire l’Irak a totalement échoué face à la montée des antagonismes civils.
III. De l’intervention américaine (2003) à la guerre civile
Les Américains et Bremer ont associé les populations chiites au gouvernement, alors qu’elles étaient combattues par S. Hussein et ont voulu prendre leur revanche sur les sunnites. La guerre civile débute avec Al-Qaïda qui frappe en 2003 la mosquée chiite de Kerbala et en 2006, la mosquée chiite de Samara. Une partie des anciens dirigeants de l’Irak de S. Hussein et les anciens généraux se retrouvent dans l’opposition armée au gouvernement. La guerre civile fait beaucoup plus de morts que la guerre américaine et se prolonge au-delà du départ des Américains, prévu en 2011.
On considère qu’une des conséquences de la guerre civile entre chiites et sunnites est le basculement d’une partie des sunnites irakiens dans la mouvance d’Al-Qaïda, puis dans la mouvance de Daech à partir des années 2013 et 2014. La guerre civile en Syrie, les attentats de Daech en Syrie et la construction d’un État islamique seraient les conséquences directes de cette intervention américaine.
Pour cette raison, on compare souvent la guerre d’Irak à un nouveau Vietnam. Les Américains n’ont pas gagné cette guerre. Ils laissent 5 000 soldats de la coalition morts et 35 000 soldats irakiens morts. Les pertes civiles sont considérables et il y aurait entre 200 000 et 250 000 civils irakiens morts et plus de 2 millions de réfugiés.
Sur le plan politique, les Américains ont privatisé la guerre. Au plus fort des combats, il y a 250 000 soldats de la coalition et presque 200 000 soldats privés issus des sociétés militaires privées avec des bavures et exactions contre les civils.
Conclusion
Au lieu de pacifier le Moyen-Orient, les Américains et leurs alliés ont plutôt renforcé la déstabilisation. Toutefois, l’Iran chiite a tiré tous les avantages de cette guerre et aujourd’hui est capable de dessiner un axe d’influence chiite qui passe par la Syrie d’El Assad et descend vers le Liban et des organisations politiques dans la péninsule.
Avec l’effondrement de l’Irak, c’est l’Iran qui se retrouve puissance dominante au Moyen-Orient, principal ennemi aujourd’hui d’Israël et des Occidentaux.