Les tribunaux rwandais

Crimes de masses, massacres de masses, et génocides sont de plus en plus jugés dans le cadre de tribunaux nationaux ou internationaux, en particulier depuis les années 1990 : des tribunaux ont jugé la guerre et l’épuration ethnique en ex-Yougoslavie dans les Balkans, ou encore, le génocide des populations Tutsis par les Hutus au Rwanda.

Juger le génocide des Tutsis au Rwanda a permis de recenser des mémoires individuelles et collectives. Ces mémoires ont permis d’écrire l’histoire de cette rivalité dramatique qui causa la mort, en 1994, d’au moins 800 000 personnes. Antoine Garapon, juriste et historien, dit du génocide des Tutsis qu’il représente une sorte de « laboratoire de justice » car c’est le crime de masse le plus jugé de l’histoire. Trois grands types de jugements ont eu lieu.

 

I. Le Tribunal d’Arusha (Tanzanie)

 

Le Tribunal d’Arusha est le tribunal pénal pour le Rwanda. Ce tribunal international a été constitué sur le modèle du tribunal pénal de l’ex-Yougoslavie : l’ONU l’a institué selon les mêmes statuts.

Sans prendre véritablement en compte les spécificités du génocide rwandais, ont été mis en accusation les grands décideurs, commanditaires du massacre (politiques, militaires, influenceurs culturels économiques) dans les populations Hutus du Rwanda. Seules 35 condamnations ont été prononcées :  par exemple, le colonel Bagosora a été reconnu comme étant un des planificateurs de ce massacre.

De vives critiques ont été faites à l’encontre de ce Tribunal qui n’aurait pas assez prononcé de condamnations. En effet, le tribunal n’a pas voulu juger en même temps les Hutus et les Tutsis, alors même que des crimes de masse ont été perpétrés par l’armée tutsi (front populaire du Rwanda). Ces crimes n’ont pas été qualifiés de génocide alors que des dizaines voire des centaines de milliers de victimes sont à dénombrer. Le Tribunal n’a pas voulu juger ces criminels aussi pour éviter les négationnistes, ceux qui sont les tenants de la thèse du double génocide (un génocide répondant à l’autre). Enfin, pour juger les Tutsis il fallait obtenir le soutien de Kigali, c’est-à-dire du gouvernement du Rwanda, qui devait coopérer pour fournir des documents. Finalement, on a recueilli 800 000 à 900 000 pages de témoignages pour écrire l’histoire de ce génocide.

 

II. Les juridictions nationales nombreuses

 

Des juridictions nationales se sont tenues au Rwanda mais aussi dans le reste du monde, en vertu de la possibilité pour les justices nationales de juger des criminels de guerre et des criminels contre l’humanité. Les procès au Rwanda ont été rendus possibles grâce aux pays limitrophes qui ont livré les criminels de guerre qui étaient sur leur territoire. Des procès ont également été tenus à Bruxelles, à Montréal ou à Paris en vertu de cette compétence universelle. Par exemple en France, Pascal Simbikangwa, qui a été arrêté à Mayotte, en territoire français d’outre-mer, a été jugé et condamné en 2014 pour crime de génocide.

Cette compétence universelle est une grande originalité de la justice et c’est en partie grâce à elle que l’histoire du génocide a pu s’écrire.

 

III. Des tribunaux populaires gacaca

 

Enfin, des tribunaux populaires, dit gacaca, se sont tenus au Rwanda, entre voisins. Selon les travaux de l’historienne Hélène Dumas, le génocide au Rwanda était un génocide entre voisins : les gens qui se sont affrontés et entretués se connaissaient. De nombreux tribunaux se sont alors constitués partout sur le territoire rwandais : dans les campagnes, les villages, parfois même dans les prisons. Il s’agit d’une forme totalement inédite de justice.

1,9 million de procès se sont tenus dans le cadre de 12 000 juridictions ad hoc qui ont été créées pour l’objectif de justice dans les villages. Les procès se sont tenus à ciel ouvert et ont mobilisé 140 000 juges. Les peines prononcées ont souvent été des peines d’emprisonnement très longues, voire à vie, d’autres étaient plus courtes. Les condamnés, une fois leur peine purgée, sont souvent retournés vivre dans leur village. Ces tribunaux ont été essentiel pour obtenir in fine la réconciliation nationale entre les Tutsis et les Hutus du Rwanda et pour que le pays continue à vivre sur les ruines de ce génocide.

 

Conclusion

 

Au total, 800 000 personnes ont été condamnées par la justice. Cette formule de « laboratoire de justice » prend alors sens : le génocide a été jugé à différentes échelles (nationale, internationale et locale). C’est le plus grand événement en matière judiciaire depuis la fin du XXe siècle.

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