L’Union européenne et la démocratie

L'Union européenne et la démocratie

L’Union européenne a été présentée par Jacques Delors comme un « objet politique non identifié ». Au départ, l’organisation a pour but de défendre la démocratie en Europe qui a été mise à mal pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce sont des régimes démocratiques qui s’entendent pour rebâtir une démocratie européenne. Paradoxalement, cette démocratie européenne subit, surtout depuis les années 1990-2000 des attaques contre un prétendu déficit démocratique et un côté trop technocratique, notamment du fait de ses institutions. Pourquoi de telles critiques ?

 

I. La démocratie, valeur fondamentale de l’Union européenne

 

En 2012, l’UE a obtenu le prix Nobel de la paix pour avoir su, sur le continent, faire triompher la paix, la démocratie et les libertés. Ce sont des valeurs que soutient l’organisation depuis la fin des années 1940. Les pères de l’Europe (Jean Monnet, Alcide de Gasperi, Paul-Henri Spaak et Konrad Adenauer) sont tous issus, soit de la démocratie chrétienne soit de la sociale démocratie, c’est-à-dire des courants politiques qui s’entendent à l’échelle européenne et construisent des réseaux pour construire une vaste démocratie européenne. La méthode de Jean Monnet est de partir de réalisations économiques qui créent des solidarités, des interdépendances et qui forgent des institutions. Ainsi, on passe de l’économique au politique et juridique pour construire la démocratie.

C’est pourquoi, tout au long des traités de l’UE (de la CECA à la CEE et à l’Union européenne), on trouve des références à la démocratie. En 1993, on a défini les critères de Copenhague, parmi lesquelles il y a des critères politiques et juridiques nécessaires pour adhérer à l’Europe : être une démocratie ; avoir forgé un état de droit, respecter le droit des minorités et les protéger.

Depuis les années 1980 et les années 1990-2000, lorsque sont entrés les pays de l’Europe de l’Est, ces conditions de démocratisation ont été fondamentales. Ce sont aujourd’hui des conditions qui font achopper la candidature de la Turquie.

En 2000, a été rédigée et promulguée une charte européenne des droits fondamentaux qui réaffirme l’importance de la démocratie. Dans le traité de Lisbonne (2007), on parle de l’UE comme une démocratie représentative. 

 

II. Les institutions démocratiques sans cesse améliorées

 

L’UE s’est progressivement dotée d’institutions démocratiques. On rappelle que le critère de base d’une démocratie réside dans la séparation des pouvoirs :

– Le Conseil européen est au sommet de cette organisation. Il réunit les chefs d’État et du gouvernement qui donnent les grandes orientations. Chaque pays est représenté par un chef d’État qui possède une voix. Il décide aussi du président de la Commission européenne. Il délègue également ses pouvoirs au Conseil des ministres de l’UE, à chaque ministre.

En dessous de ce Conseil européen, on trouve les trois pouvoirs séparés :

– Le pouvoir exécutif, entre les mains de la Commission européenne qui traduit les grandes orientations dans des directives (équivalent des lois). Ces directives européennes sont importantes car elles représentent entre 15 et 20 % de la législation nationale. Le pouvoir exécutif repose sur la Commission de Bruxelles. Parallèlement, il repose aussi sur le Conseil de l’UE c’est-à-dire les ministres réunis qui traduisent, en lien avec la Commission, les orientations du Conseil européen dans la politique.

– Le pouvoir législatif entre les mains du Parlement européen. Il est composé de députés élus, des différents pays au prorata de leur poids démographique. Ce Parlement a vu ses pouvoirs toujours plus renforcés depuis sa création et notamment depuis qu’il a obtenu d’être élu au suffrage universel en 1979. Le Parlement a des pouvoirs de vérification du travail de la Commission européenne et il vérifie à posteriori la nomination du président de la Commission et le cas échéant, il a la possibilité de voter une motion de censure qui pourrait faire tomber la Commission. Ce sont donc des pouvoirs importants, d’autant plus qu’il partage un pouvoir de co-décision en dessous de la commission de Bruxelles avec le Conseil. Le Parlement est l’organe le plus démocratique car il représente les peuples.

– Le pouvoir judiciaire est détenu par la Cour européenne de Justice qui est totalement indépendante et qui vérifie la conformité des lois prises par les différents États avec leurs engagements européens.

Si le traité de Lisbonne définit les institutions européennes comme les institutions d’une démocratie représentative, un certain nombre de critiques s’élèvent pour dire qu’il s’agit tout au plus d’une démocratie déléguée, voire confisquée.

 

III. Les limites et les critiques de la démocratie européenne

 

Les critiques vont essentiellement vers le caractère technocratique (le fait d’avoir remis l’essentiel des pouvoirs aux mains de commissaires européens – 27 au total -, nommés par les différents États sans procédure démocratique directe). Ces technocrates ou « eurocrates » de Bruxelles sont également accusés d’être influencés par des lobbies qui influencent les décisions et législations.

On reproche aussi à l’UE de ne pas avoir de véritables personnalités qui représentent les populations. En effet, le Président du Conseil européen est nommé par ses pairs, les chefs d’États et de gouvernement, et c’est aussi le Conseil européen qui nomme en première intention le président de la Commission européenne. De même, le Haut représentant aux Affaires Étrangères est également nommé par les gouvernements. La procédure de ratification par le Parlement ne vient que dans un second temps.

Pour beaucoup, cela apparaît peu démocratique. Le problème est que les élections du Parlement européen, celles qui sont censées donner corps à la démocratie, sont des élections qui connaissent des taux d’absentions importants entre 55 et 60 % en fonction des pays. On va parfois même à 80 % dans les pays d’Europe centrale et de l’Est comme en Slovaquie. Il y a peut-être un déficit de démocratie mais les citoyens ne s’emparent pas véritablement de celle-ci.

La montée de l’euroscepticisme dans différents pays d’Europe renforce ces problématiques et développe même parfois de l’europhobie. Ce mouvement date déjà des années 1990. On sait que le traité de Maastricht était passé d’une courte tête en France lors du référendum de 1992.

C’est surtout depuis les années 2000 et le rejet du projet du traité constitutionnel européen par le vote de la France et des Pays-Bas en 2005 et de l’Irlande en 2008. Depuis cette époque, les pays europhobes et eurosceptiques sont de plus en plus représentés au Parlement européen à l’image du Rassemblement National de Marine le Pen ou du parti Jobbick en Hongrie. En Italie, ce sont le Mouvement 5 Étoiles et aujourd’hui la Ligue de Matteo Salvini.

De plus, certaines démocraties européennes évoluent dans un sens assez défavorable, de plus en plus éloigné au modèle de démocratie que veut porter l’Europe comme la Hongrie de Viktor Orbán, premier ministre et chef du parti Fidesz, parti de droite conservatrice et europhobe. Il revient sur la liberté de la presse, la censure, et multiplie les entorses aux droits et à la protection des minorités.

On peut élargir ces questions au groupe de Visegrád. C’est un groupe autour de la Hongrie constitué des pays comme la République tchèque et la Pologne. En Pologne, le gouvernement ultra-conservateur remet en cause l’indépendance de la Justice. Il semble donc évident qu’en Europe, il y ait différentes lectures de la démocratie entre des démocraties libérales et des démocraties plutôt illibérales.

 

Conclusion

 

La construction européenne et ses différents artisans ont pris la démocratie pour modèle. On peut dire que l’UE est devenu un exemple unique au monde démocratie avec ses atouts, c’est-à-dire une véritable séparation des pouvoirs et un jeu démocratique qui passe par des élections européennes de plus en plus vivaces mais également avec des limites. Il s’agit sans doute davantage d’une démocratie déléguée que d’une démocratie représentative mais on peut retenir que le processus de démocratisation de l’ensemble européen s’affirme parallèlement aux approfondissements, il n’est donc pas terminé et va aller sans doute vers plus de participation populaire. 

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