« Nous sommes condamnés à être libres », Sartre
« Nous sommes condamnés à être libres » est une citation de Jean-Paul Sartre, généralement considéré comme l’une des pères fondateurs de l’existentialisme français. Citation intéressante en ceci qu’elle associe des propriétés assez contradictoires, la condamnation d’un côté, et la liberté de l’autre.
Pour la comprendre, dans une première partie, nous verrons en quoi l’homme est libre, puis comment cette liberté qui caractérise la condition humaine peut être envisagée dans les termes d’une condamnation.
I. Liberté
Pourquoi peut-on dire que l’homme est caractérisé par la liberté ? Pour comprendre cela, on peut utiliser un exemple de Sartre lui-même : une comparaison entre la nature d’un objet technique et la nature humaine.
Un objet technique est un objet pour lequel l’essence précède l’existence. Un objet technique est un objet conçu dans la tête de l’artisan, de celui qui l’imagine, avant d’être porté à l’existence, d’être réalisé. Son essence, sa nature, précède donc son existence.
Pour l’homme, il y a deux options. Soit on se situe dans une perspective religieuse, et on suppose qu’il y a un Dieu créateur qui porte à l’existence le monde et l’homme. Dans ce cas, on peut supposer que comme pour l’objet technique, Dieu est semblable à un artisan, qui a l’essence de l’homme en tête, et qu’il réalise l’homme. D’après cette conception, même pour l’homme, l’essence précède l’existence. Cependant, Sartre représente un essentialisme athée. Pour Sartre, il existe au moins un être dont l’existence précède l’essence, c’est l’homme. Cela signifie que l’homme existe d’abord puis a à inventer sa nature. Dit autrement, l’homme devient quelque chose par la série de ses actes : l’homme invente l’homme à chaque fois qu’il agit. Il n’y a pas de nature humaine, qui ferait que l’homme devrait devenir tel ou tel. Autrement dit encore, ce qui caractérise l’homme est une radicale liberté.
En effet, l’objet technique n’a pas le choix de devenir ce qu’il veut. Il a déjà une essence qui définit son destin. On comprend donc pourquoi dans cette perspective, ce qui caractérise l’homme est la liberté.
II. Condamnation
Si c’est une radicale liberté qui caractérise la nature humaine, on peut aussi dire que ce qui caractérise la condition humaine est la responsabilité. Si l’homme est radicalement libre, cela veut dire que l’homme est toujours responsable de ce qu’il fait. Or, si l’homme est toujours responsable de ce qu’il fait, il doit assumer tout ce qu’il fait, tout ce qu’il devient. Donc ce qui caractérise l’homme, c’est aussi une radicale responsabilité. En ce sens, il peut être parfois difficile remarque Sartre d’assumer sa condition, et peut-être pas de reconnaître ou d’assumer ses choix mais d’assumer même plus précisément le fait qu’on ait choisi. Il peut être plus facile de se déresponsabiliser et de jeter la faute sur quelque chose d’autre.
C’est la raison pour laquelle Sartre dit que l’on peut être tenté de se déresponsabiliser en utilisant certaines tactiques. Une de ces tactiques pour se débarrasser de sa condition est ce que Sartre appelle la mauvaise foi. La mauvaise foi est précisément prétendre exister sur le mode d’une chose, c’est-à-dire sur le mode d’un être pour lequel l’essence précède l’existence. C’est-à-dire que l’on va justifier ce que l’on fait au nom d’une prétendue essence qui aurait déterminé notre action. La mauvaise foi est par exemple d’arriver en retard en cours et dire au professeur « je ne suis pas du matin ». Dire « je ne suis du matin » c’est se déresponsabiliser au nom d’une essence.
La mauvaise foi est une tactique qui sert à se débarrasser de sa liberté. C’est vain selon Sartre, car c’est toujours librement que l’on refuse sa liberté.