Auteur, narrateur, personnages
I. Différences entre auteur, narrateur et personnages
Dans les textes littéraires, il faut distinguer les trois notions d’auteur, de narrateur et de personnage.
– Auteur : celui écrit le texte.
– Narrateur : celui qui raconte l’histoire. Lorsqu’un narrateur dit « je », cela ne donne pas le droit de l’assimiler à l’auteur. C’est une distinction très importante puisque dans le cas de l’ironie ou du regard naïf, le narrateur a une opinion qu’il exprime à la première personne et qui n’est pas nécessairement celle de l’auteur. L’auteur peut même penser l’inverse de ce que pense le narrateur.
– Personnages : ceux dont on parle.
– Quand les trois notions sont les mêmes : c’est-à-dire où l’auteur = le narrateur = le personnage. Ce cas est le récit de soi ou le genre de l’autobiographie. Dans ce cas, l’auteur fait un pacte avec son lecteur : il dit qu’il va parler de lui-même et qu’il va raconter sa propre histoire.
II. Les points de vue narratifs
Une autre confusion à ne pas faire est celle des points de vue narratifs (ou focalisations). Les focalisations ne concernent que le narrateur. Il peut avoir trois statuts dans un récit :
– Omniscient : il sait tout des personnages, leurs pensées, leur passé, leur histoire et parfois ce que les personnages ne connaissent pas sur eux-mêmes. Donc, il en sait plus que n’importe quel personnage du récit.
– Externe : il regarde la scène comme s’il était à l’extérieur, comme une caméra qui filme la scène. Il ne sait que ce qu’il voit, il ne connaît pas l’histoire des personnages, leurs pensées, il en connaît moins que n’importe quel personnage.
– Interne : le narrateur se met à la place d’un personnage, il raconte l’histoire du point de vue d’un personnage. Il connaît les pensées de ce personnage particulier, mais pas des autres, qu’il voit de l’extérieur. Donc, il en sait autant que le personnage dont il adopte le point de vue.
Le narrateur interne peut s’exprimer à la première personne : il peut dire « je », mais pas forcément, il peut y avoir une narration interne à la troisième personne (« il »). Dans ce cas-là, le narrateur adopte le point de vue d’un des personnages qu’il présente, tout en gardant la troisième personne.
Dans un texte narratif, le point de vue narratif peut changer souvent, c’est-à-dire qu’il peut y avoir un point de vue globalement omniscient, et puis avoir un narrateur qui se glisse dans la peau d’un personnage le temps d’une phrase, d’un paragraphe. Il peut donc y avoir des variations dans le point de vue narratif.
L'énonciation
L’énonciation désigne la répartition de la parole à l’intérieur d’un texte. « Qui parle à qui ? » : c’est une question qu’il faut se poser à la lecture de n’importe quel texte pour être sûr de le comprendre. Il y a plusieurs instances qui s’expriment dans un texte :
I. Le « je »
Quand il est exprimé, il faut se demander qui il désigne. Dans un texte de fiction, le « je » est toujours celui du narrateur qui se distingue de l’auteur. Sauf dans un récit de soi où l’auteur est équivalent au narrateur. Ce « je » s’adresse à quelqu’un, une deuxième personne, un « tu ».
II. Le «tu » / « vous »
Quand il est exprimé, il faut se demander qui il désigne. Par exemple dans le cas d’une lettre, il y a explicitement au début de la lettre le nom du destinataire, donc il est possible de savoir qui il est. Dans le cas d’un récit fictif, ce n’est pas nécessairement le cas. Certains auteurs peuvent également s’adresser à une catégorie de lecteurs : un pluriel, un « vous » pour leur faire passer un message.
Dans le cas d’une adresse particulière à une seule personne, il peut également y avoir un effet de généralisation, c’est-à-dire que la deuxième personne du singulier peut cacher une adresse plus universelle. Par exemple, dans Le Déserteur, Boris Vian s’adresse au Président pour lui dire qu’il n’ira pas faire la guerre, mais en réalité c’est une lettre qui s’adresse à tous les lecteurs pour faire passer des idées antimilitaristes.
De même lorsque Ronsard écrit un poème à la femme qu’il aime pour lui dire de profiter de sa jeunesse avant qu’il ne soit trop tard. En réalité, il l’écrit à l’intégralité des lecteurs ou des humains pour les mettre en garde contre la brièveté de la vie. Donc, il y a souvent le « tu » narratif un effet de généralisation qui concerne tous les lecteurs.
III. Le discours rapporté
Ce sont les personnages qui prennent la parole à l’intérieur d’un récit, notamment dans le cas du récit direct où il y a des guillemets et où les personnages prennent la parole à la première personne et s’adressent aux autres personnages à la deuxième personne. Donc il s’agit d’être extrêmement attentif à qui parle et à qui s’adresse le personnage.
Dans le cas particulier du théâtre, écrit intégralement comme un dialogue, cette question est fondamentale. À chaque fois qu’un personnage parle, il faut se demander à quels autres personnages il s’adresse explicitement, mais également quels sont les autres personnages qui l’entendent alors qu’il ne s’adresse pas forcément à eux. Au théâtre, il y a souvent des personnages cachés qui entendent ce que dit le personnage à un autre alors qu’ils ne devraient pas l’entendre, ce qui a une fonction fondamentale dans l’intrigue. Il ne faut pas oublier qu’il y a les spectateurs qui entendent ce que disent chaque personnage et qui peuvent l’interpréter pour comprendre la suite de l’histoire.