Stress chronique et plasticité mal-adaptative
I. Stress aigu VS chronique
H. Selye fut l’un des premiers chercheurs à travailler précisément sur les situations de stress chez les animaux et chez l’humain. Il a défini différentes phases dans le temps pour des situations de stress.
Il n’y a pas d’unités pour le temps en abscisse car une situation stressante peu durer de quelques minutes à plusieurs jours, ou mois. En ordonnée, on a le niveau de stress de l’organisme. C’est le niveau de stress qui traduit l’état des organes et hormonal dans lequel se trouve l’organisme.
On démarre de la situation d’équilibre (homéostasie) puis la situation de stress se déclenche avec une situation d’alarme. C’est là, dans les premières secondes du stress, que l’adrénaline est produite. Puis, il y a une phase de résistance au cours de laquelle l’organisme se bat pour revenir à une situation d’équilibre. Enfin, il existe une dernière phase : la phase d’épuisement.
Si le stress dure trop longtemps, l’organisme est dans un état d’épuisement et n’arrive plus à faire face au stress. Aujourd’hui, on parle plus souvent de stress aigu ou chronique plutôt que de ces trois phases décrites par Selye. Le stress chronique est le stress qui s’installe lorsque les agents stresseurs sont trop intenses, nombreux, fréquents ou durables. Par exemple lors de situations stressantes au travail comme avec le burn-out (lorsque l’organisme entier n’est plus capable de répondre aux situations stressantes et lorsque plusieurs fonctions lâchent dans l’organisme). Ce stress chronique est dû à la multiplication ou à la trop longue durée des agents stresseurs.
II. Détection du stress chronique
Le diagnostic du stress chronique peut être décrit par une sensation de mal-être provoquée par le stress permanent d’un individu mais cette sensation n’est pas toujours identifiée par l’individu qui est chroniquement stressé.
On peut également identifier un stress chronique en faisant une prise de sang et en quantifiant la cortisolémie qui sera constamment élevée. Normalement, il existe un rythme de production du cortisol dans la journée : la cortisolémie s’élève en réponse au stress mais redescend ensuite. Si la cortisolémie est constamment élevée et qu’on a écarté d’autres situations pathologiques comme des cancers, c’est le signe d’un stress chronique.
Il peut y avoir d’autres symptômes comme une obésité particulière avec des zones bien identifiées (joues, ventre, lié à l’action du cortisol). Cela peut être lié aussi à des problèmes d’hormones sexuelles (baisse de libido, problème d’infertilité ou de dérèglement du cycle chez la femme, etc.).
C’est un faisceau de preuves qui peut amener au diagnostic du stress chronique.
En résumé, il s’agit du corps qui est dépassé par cette situation de stress et qui n’arrive plus à compenser, à revenir à la situation homéostatique dans laquelle il n’y a pas de danger pour l’organisme. Ce stress chronique est principalement dû aux effets du cortisol car l’adrénaline est produite par pics puis redescend, donc sa concentration et ses effets diminuent rapidement. Le cortisol augmente de façon diffuse et a des effets qui, dans un premier temps, permettent au corps de revenir à l’état d’équilibre. Mais s’il y a trop de cortisol de façon permanente dans le corps, il aura des effets délétères.
III. Effets à long terme du corstiol
Il y a d’abord un effet sur la glycémie puisque le cortisol permet de mobiliser les glucidiques, lipidiques et protéiques du corps et de produire du glucose à disposition de l’organisme, des cellules et surtout des muscles. Si l’hyperglycémie chronique s’installe cela peut mener à un diabète. Par ailleurs, la forte production du cortisol à long terme est associée à la résistance à l’insuline. L’insuline est l’hormone qui permet de faire diminuer la glycémie en stockant le glucose dans des cellules au niveau du foie et des muscles. Lorsque l’hyperglycémie chronique s’installe, on aboutit à un diabète de type II avec une obésité.
Cela est aussi associé à une hypertension artérielle lorsque la pression est trop forte, trop longtemps. Cela est donc source de maladies cardiovasculaires.
Il peut y avoir aussi des atteintes au niveau des yeux, de l’ostéoporose (même chez des plus jeunes individus). L’os déstocke son calcium et provoque une hypercalcémie, les os deviennent poreux, fragiles.
Une cortisolémie constamment élevée est associée à des insomnies : on perd les rythmes circadiens (jour/nuit). Cela est lié au rythme du cortisol.
De façon normale a production de cortisol est relativement basse la nuit mais augmente sur la fin de la nuit. Cela est lié à l’éveil. Son pic le plus haut est au début de la journée et cela diminue tout au long de la journée. Lorsque le cortisol est tout le temps haut et ne suit plus le rythme jour/nuit, cela a une influence sur l’état d’éveil, la vigilance et donc des insomnies.
On observe également un effet délétère sur le système immunitaire. En cas de crise de stress, il y a une inhibition du système immunitaire et donc du système inflammatoire. Si le cortisol reste trop élevé durant trop longtemps, on est dans le cas de l’immunosuppression : l’ensemble des réactions immunitaires sont moins fortes et l’organisme est plus vulnérable face à tous les pathogènes et agents extérieurs qui pourraient menacer son intégrité.
Effets sur le système nerveux et le cerveau
Un autre effet important est la neurotoxicité. La production excessive de cortisol a des effets sur le cortex préfrontal, l’amygdale et l’hippocampe. Au niveau du cerveau, les neurones sont capables de plasticité. La plasticité est la capacité du cerveau à modifier son organisation (réseaux neuronaux, connexions synaptiques) et son fonctionnement, en fonction du vécu de l’individu, de ses apprentissages, ses expériences, etc., et aussi du stress accumulé sur de longues périodes de temps. Les réseaux neuronaux peuvent être plus ou moins utilisés ou abandonnés en fonction de l’utilisation qu’on en fait.
Il peut y avoir formation ou disparition de synapses. Ici, on parle de plasticité pathologique car cela est associé à des effets néfastes et délétères pour le cerveau et l’organisme. Cette plasticité pathologique se fait suite au stress chronique. Elle est aussi appelée plasticité mal adaptative.
Toutes les régions réagissant suite au fort taux de cortisol sont les régions à récepteurs à cortisol :
– Au niveau du cortex préfrontal, il y a diminution des connexions synaptiques et cela aboutit à une diminution de la capacité d’attention et de la mémoire de travail.
– Au niveau de l’amygdale (système limbique – émotions), une cortisolémie trop haute aboutit à une augmentation de l’agressivité, de l’anxiété et une augmentation de la mémoire de la peur et des événements stressants.
– Au niveau de l’hippocampe (système limbique – mémoire), il y a des troubles de la mémoire dans le sens où de nouveaux apprentissages seront difficiles.
Dans ces trois régions, on note une plasticité à long terme, si on revient à une situation d’équilibre, la cortisolémie diminue et les modifications sont réversibles dans le cortex pré-frontal et l’hippocampe. C’est ce qui a été observé sur des sujets en laboratoire. Cela est moins flagrant sur l’amygdale. Ces observations ont été faites sur des animaux et les effets réversibles sur l’hippocampe sont aujourd’hui controversés.
Ces modifications dues à la plasticité pathologique sont à l’origine du mal-être et du malaise du sujet stressé.
IV. Bilan
Le stress chronique est un stress installé avec un système physiologique déréglé. C’est un individu qui n’arrive plus à faire face à des situations qu’il aurait dû traiter et cela lui aurait permis de revenir à une situation homéostatique. Ce stress chronique peut être traité par des médicaments ou par un apprentissage de techniques pour se détendre et revenir à une situation plus calme pour l’organisme.
Ce stress est d’autant plus dangereux qu’il peut aboutir à des maladies graves comme l’hypertension artérielle, le diabète, etc.
Il est aussi auto-entretenu car quand on est stressé, on a tendance à rechercher de la nourriture peu saine : sucrée, salée, grasse, etc. Ce qui augmente les problèmes notamment de diabète et d’obésité. Ce cercle vicieux est entretenu par certains neurones et certaines cellules de l’organismes comme au niveau de l’hippocampe où des neurones permettent de freiner l’axe hypothalamo-hypophyso-corticosurrénalien (axe de production du cortisol). Lorsqu’il y a toxicité par le cortisol sur les noyaux du cerveau, on limite alors un système qui freinait le cortisol. Cela revient à augmenter encore la production de cortisol. Il y a donc une vraie aide médicale ou paramédicale à apporter à ces personnes qui souffrent de stress chronique.