Structures anatomiques témoins de l'évolution des espèces
Structures anatomiques témoins de l’évolution des espèces
Les structures anatomiques présentent des particularités surprenantes d’un point de vue fonctionnel, pouvant paraître sans fonction avérée ou bien d’une étonnante complexité. Elles témoignent de l’évolution des espèces, dont la nôtre.
I. L’évolution de la structure de l’œil
Les yeux sont les organes de la vision : ils permettent de capter une information lumineuse qui est traitée et qui engendre une réponse comportementale. En ce sens, ce sont des adaptations évolutives, c’est-à-dire des structures en adéquation avec les fonctions qu’elles réalisent.
Chez l’espèce humaine, la rétine est inversée, c’est-à-dire que les photorécepteurs sont situés sous plusieurs couches de cellules nerveuses que la lumière doit traverser pour les atteindre. L’image que l’on perçoit est donc moins lumineuse que celle perçue par une seiche. Cette organisation des cellules de la rétine est aussi responsable de la présence d’une tache aveugle.
Au cours du temps, des innovations issues de variations aléatoires se sont accumulées. Celles qui ont conféré un avantage aux individus qui les ont portés ont été sélectionnées et transmises aux générations suivantes. Ainsi, les innovations qui ont amélioré la perception visuelle de milieu ont permis la diversification des modes de vie au sein du groupe des mollusques.
Séparée précocement de celle qui mène aux mollusques, la branche évolutive menant à l’espèce humaine a connu elle aussi une diversification des structures visuelles. Certaines d’entre elles ont permis l’émergence de l’œil humain.
Même si leur structure est semblable, l’œil de seiche et l’œil humain se sont progressivement construits au cours du temps au sein de lignées distinctes. Ils sont issus de deux histoires évolutives différentes.
II. Des contraintes historiques et des contraintes de construction
Chaque organisme est une mosaïque de caractères qui est le résultat de son histoire évolutive. L’interprétation d’une structure anatomique doit s’effectuer en intégrant la sélection naturelle, mais aussi des contraintes phylogénétiques (historiques).
Par exemple, le nerf laryngé issu du nerf vague prend sa source dans le cerveau, se dirige vers l’aorte qu’il contourne avant de remonter et d’innerver le larynx.
Alors que les points de départ et d’arrivés de l’information nerveuse ne sont situés qu’à une quinzaine de centimètres l’un de l’autre, le trajet total réellement effectué par l’information nerveuse est plus que doublé. Chez les espèces à long cou comme la girafe, le détour est de plusieurs mètres.
Ce long trajet, impliquant un délai supplémentaire dans la transmission des messages nerveux, s’explique par un héritage historique. Chez les ancêtres aquatiques des Tétrapodes, l’homologue de ce nerf innervait directement les branchies en contournant l’aorte sur une faible longueur. L’apparition du cou chez les Tétrapodes, vers 375 Ma, augmente la distance entre crosse aortique et larynx et donc la longueur du nerf laryngé.
Héritage de notre appartenance au groupe des Mammifères, les seins sont les organes permettant à la femme d’allaiter les nouveaux-nés. Les caractères sexuels de l’homme et de la femme résultent d’un développement qui débute au stade d’embryon indifférencié. Mis en place avant la masculinisation causée par l’expression du chromosome Y, le téton masculin, qui par ailleurs n’apporte aucun désavantage à l’homme, reste présent mais sans se développer.
Cette contrainte évolutive de construction pourrait expliquer pourquoi, chez de nombreuses espèces, les tétons sont présents chez les mâles alors qu’ils n’allaitent pas.
Cette constatation doit toutefois être nuancée : les mâles de nombreuses espèces de Mammifères, comme les souris, sont dénués de tétons, ce qui montre qu’il ne s’agit pas d’une contrainte de construction insurmontable.
III. Compromis sélectif et régression
L’interprétation d’une structure anatomique doit tenir compte des compromis sélectifs, comme par exemple la forme du bassin des humains.
La bipédie exclusive, avec un bassin plus court et large, ainsi que l’augmentation du volume cérébral sont les deux principaux changements évolutifs de l’espèce humaine. Ces deux principaux changements ne se sont pas produits en même temps. Il s’agit d’un « croisement contingent » de deux innovations. Ils ont conduit à des contraintes pour l’accouchement, telle que la nécessaire rotation de la tête de l’enfant au début de l’expulsion.
En effet, l’augmentation du volume crânien des nouveaux-nés s’est accompagnée d’un élargissement de l’ouverture du bassin chez Homo sapiens au cours de l’évolution. Cependant, les exigences de la marche debout entrainent des contraintes fortes sur la dimension du bassin.
Chez l’être humain, la denture se compose de 8 incisives pour couper, 4 canines pour déchiqueter, 4 prémolaires et 8 molaires pour broyer. Nos ancêtres possédait également 4 molaires supplémentaires, appelées dents de sagesse. Ils se nourrissaient d’aliments difficiles à mastiquer comme les racines, ou la viande crue. La modification de notre alimentation, notamment depuis la maîtrise du feu, a rendu les dents de sagesse inutiles voire gênantes.
Les dents de sagesse (nos troisièmes molaires) ne percent pas la gencive et restent incluses dans l’os chez 25 % des individus, faute de place dans la mâchoire. Il est également fréquent qu’elles ne se forment pas (agénésie). Dans les pays développés, ces molaires sont souvent enlevées pour éviter douleurs et complications médicales.
Au cours de notre histoire évolutive récente, la taille de notre mâchoire a diminué, d’où un manque d’espace pour les troisièmes prémolaires et l’apparition de troubles de la santé bucco-dentaire. Les individus n’ayant pas toutes leurs dents de sagesse présentent ainsi un avantage. L’évolution de notre denture est en cours, mais la disparition complète des dents de sagesse sera très lente puisque le désavantage qu’elles provoquent disparaît grâce aux soins dentaires.
L’évolution par sélection naturelle a besoin de temps pour accumuler des mutations. Elle n’est pas instantanée ! Ce qui était adapté à un moment donné peut devenir mal adapté à un autre moment : on parle d’anachronisme évolutif. On peut alors assister à une régression de ces mal-adaptations.
Conclusion
Les caractères anatomiques peuvent être le résultat de la sélection naturelle mais certains sont mieux expliqués par l’héritage de l’histoire évolutive que par leur fonction.