La mémoire immunitaire
L’organisme conserve une certaine mémoire des maladies qui l’ont déjà infectées et ce plusieurs mois voire plusieurs années après la première infection. On sait que beaucoup de maladies ne peuvent être attrapée qu’une fois, après, le corps est capable de se défendre efficacement et de ne pas retomber malade de la même maladie causée par le même pathogène (bactérie ou virus).
I. Taux d’anticorps circulants dans le sang chez une personne au cours du temps
On suit le taux d’anticorps au cours de onze semaines, chez la même personne, par des prises de sang régulières.
Il s’agit d’une personne qui est infectée une première fois par une maladie, par exemple la coqueluche, puis qui est au contact de cette maladie une deuxième fois. Lors de la première infection, lorsque la personne est malade, on observe une production d’anticorps d’une certaine quantité. Cette production d’anticorps met plus ou moins une semaine à démarrer. Puis, au cours de sa guérison, le taux d’anticorps dirigé contre la maladie diminue dans les semaines qui suivent. Environ sept semaines après, cette personne est de nouveau au contact de la coqueluche. On peut enregistrer, grâce aux prises de sang, une production d’anticorps plus rapide à démarrer (moins d’une semaine) et beaucoup plus importante. On produit beaucoup plus d’anticorps la deuxième fois, ce qui permet d’avoir peu, voire aucun symptôme alors qu’il s’agit de la même maladie et que la première fois elle avait rendu malade la personne.
II. Mécanismes de la mémoire immunitaire au niveau cellulaire
Un stock de globules blancs nous défend contre les pathogènes. Parmi ce stock, il y a certains globules blancs appelés lymphocytes B, responsables de la production d’anticorps. Ces lymphocytes B sont d’abord inactifs, mais au contact de l’antigène (maladie), les lymphocytes efficaces contre la coqueluche sont activés puis vont proliférer et se différencier. Ils se différencient en lymphocytes B actifs, qui vont se mettre à produire une grande quantité d’anticorps.
Parmi ces lymphocytes, une partie se différencie en lymphocytes B mémoire. Ces cellules ont une durée de vie suffisamment longue pour nous protéger à long terme. Elles ne produisent pas directement d’anticorps mais restent dans l’organisme en sentinelles, capables de nous défendre plus tard si le même pathogène nous infecte de nouveau. Les lymphocytes B mémoires sont donc conservés et quand il y a une deuxième infection par le même pathogène, ils prolifèrent de façon beaucoup plus rapide. On a donc une production de très nombreux lymphocytes B actifs, usines à anticorps. Les lymphocytes B actifs sont plus nombreux que lors de la première infection et donc la quantité d’anticorps produits est plus grande. La défense de l’organisme est plus rapide et plus efficace. Cela signifie que les symptômes de la maladie, la deuxième fois, passent parfois inaperçus ou sont plus atténués par rapport à la première infection. On conserve encore des lymphocytes mémoires qui servent éventuellement lors d’un troisième contact avec l’antigène.
L'origine de la vaccination : Jenner et Pasteur
Deux hommes sont les principaux contributeurs à la découverte de la vaccination : Edward Jenner, un anglais qui a travaillé à la fin du XVIIIe siècle sur ce principe et Louis Pasteur au XIXe siècle.
I. Découverte de Jenner sur la variole
Jenner a découvert que lors des épidémies de variole, qui était une maladie très grave, certaines catégories de la population, par exemple les paysans qui étaient au contact des vaches, n’étaient pas atteints par la variole ou alors de façon peu grave. Dans un deuxième temps, il a réalisé que ces paysans étaient au contact d’animaux, les vaches, qui pouvaient avoir été elle-même malades de la variante de la variole : la variole bovine. Elle n’est pas très grave et surtout pas grave pour l’humain. Cette variante était appelée la vaccine. Les paysans qui avaient été au contact de la vache malade étaient eux-mêmes protégés contre la variole humaine. Ils n’en mourraient pas, ils n’en étaient pas malades.
Jenner a découvert la vaccine et il a émis l’hypothèse d’une protection des individus contre une maladie grave, qui serait possible par injection d’une forme voisine de la maladie grave, moins dangereuse, moins efficace. Pour tester cette hypothèse, il a ensuite injecté le pus d’une vache atteinte de la vaccine à un enfant. Il a laissé ce pus agir pendant quelques semaines et il a injecté à ce même enfant, le pus d’un individu atteint de la variole. S’il n’avait pas eu la première injection, l’enfant en serait mort. Or, l’enfant a survécu et il n’a pas été malade de la variole. C’est donc le pus de la vache atteinte de la vaccine qui a protégé l’enfant de la variole. C’est une première forme de vaccination. C’est grâce au nom de la vaccine que la vaccination a été baptisée comme cela.
II. Découverte de Pasteur sur le choléra
Pasteur a continué dans la même idée au cours du XIXe siècle. Il a travaillé sur des études dans de très nombreux domaines notamment sur le choléra des poules. Le choléra des poules c’est une maladie due à une bactérie très virulente qui peut tuer les poules en 48h.
Il a cultivé dans son laboratoire différentes souches de bactéries responsables du choléra des poules. Il s’est rendu compte qu’en laissant vieillir les souches, ce qui les rendait moins efficaces, il pouvait ensuite les inoculer aux poules et, en quelques sortes, les protéger contre des souches plus virulentes. Un peu par hasard, en laissant vieillir les bouillons, certaines cultures de bactéries, Pasteur a retrouvé cet effet vaccinant de certaines bactéries contre d’autres bactéries.
Après ces travaux, il a mis au point le premier vaccin applicable aux humains en 1885 : le vaccin contre la rage. Par la suite, la vaccination s’est perfectionnée et au cours du XXe siècle, on a fait de grandes campagnes de vaccination dans le monde.
III. Débuts de la vaccination au niveau mondial
Pour en revenir à l’exemple de la variole, un vaccin a été mis au point contre la maladie au cours du XXe siècle. A partir de 1967, on a dépensé des millions pour vacciner à l’échelle mondiale l’ensemble des individus contre la variole. Cette vaccination a été efficace puisqu’en 1977, on a observé le dernier cas de variole en Somalie. On a constaté à partir de 1980 que la variole avait été complètement éradiquée.
Grâce à ces campagnes de vaccination contre la variole ou d’autres maladies comme la poliomyélite, on arrive à protéger la population à l’échelle mondiale contre des maladies qui autrefois étaient très invalidantes ou mortelles.
Les expériences de Pasteur et la vaccination
Jenner et Pasteur sont les deux premiers scientifiques à être à l’origine de la découverte puis de la mise en place de la vaccination, chez les humains mais aussi chez d’autres animaux. Revenons un peu plus en détails sur les expériences de Pasteur qui lui ont permis de mettre au point, en 1885, le premier vaccin contre la rage.
L’étude du choléra des poules
Le principe du vaccin contre la rage a été calqué sur les découvertes qu’il a faites avec l’étude du choléra des poules et sur laquelle il a travaillé dans les années 1880. Pasteur travaillait avec des bouillons. Ce sont des cultures de bactéries qu’il avait dans des grands pots. Dans ce pot, il pouvait cultiver des bactéries très virulentes dont il fallait se méfier. Les bactéries virulentes du choléra des poules pouvaient provoquer la mort des poules en deux jours.
On part d’un bouillon de bactéries virulentes et on fait l’observation à trois étapes :
La première étape
C’est en quelque sorte l’expérience témoin. Si on injecte ce bouillon de bactéries virulentes à des poules, on observe leur mort en deux jours. C’est donc un bouillon très dangereux pour la santé des poules.
La deuxième étape
Il fait une découverte par hasard. Si ce bouillon vieillit de plusieurs semaines et est laissé au laboratoire, et qu’on retente de l’injecter à des poules, cette injection de bouillon vieillit ne provoque plus la mort des poules en deux jours. Pourtant, lorsqu’on observe le bouillon, on constate que les bactéries sont toujours vivantes, mais elles sont devenues moins dangereuses, moins virulentes. Elles se sont multipliées et légèrement transformées et donc ce bouillon vieillit de plusieurs semaines ne provoque plus la mort des sujets qui reçoivent les bactéries.
La troisième étape
Ces poules qui ont survécu à l’injection de bouillon vieux sont réutilisées, on leur injecte à nouveau des bactéries issues d’un bouillon jeune. L’injection de ces bactéries, au contraire de ce qu’elles avaient provoqué précédemment, ne provoque plus la mort mais permet quand même aux poules de survivre.
Cela signifie que les poules qui ont survécu à l’injection de bouillon vieux, sont en quelques sortes protégées contre les bactéries virulentes. Aujourd’hui, on dirait « vaccinées » mais à cette époque le mot n’existait pas.
Le principe de la vaccination est le même : lorsqu’on nous fait un vaccin, on nous injecte des bactéries ou des virus qui sont moins dangereux, on dit qu’ils sont atténués. On injecte soit des portions de bactéries, soit des bactéries tuées : quelque chose qui ressemble au pathogène virulent mais qui n’est pas exactement le pathogène virulent. Cette injection vaccinale a pour objectif d’être une injection qui va nous protéger. On dit qu’elle est immunogène, elle stimule notre système immunitaire, mais elle est non pathogène. Elle ne rend pas malade, mais elle stimule le système immunitaire ce qui permet par la suite de nous protéger contre la maladie dans sa forme virulente.
Bilan concernant la vaccination
I. Vaccin : une méthode préventive
Le principe d’un vaccin est d’injecter un pathogène donc un micro-organisme qui peut rendre malade, mais dans une version atténuée de façon à protéger (immuniser) la personne qui reçoit l’injection. Le pathogène injecté dans un vaccin peut être une bactérie, un virus, une toxine, mais à chaque fois il a été modifié pour être moins dangereux. Une bactérie ou un virus peuvent être tués, ou alors la toxine peut être modifiée : on parle d’anatoxine. Cela peut être aussi un fragment de bactérie ou de virus.
On dit que les injections vaccinales sont immunogènes, elles protègent et stimulent le système immunitaire, mais ne sont pas pathogènes : un vaccin ne donne pas la maladie contre laquelle il protège. Il s’agit donc d’une méthode préventive. On vaccine en prévention, avant que l’individu ne rencontre la maladie, de façon à ce que, quand il la rencontrera en vrai, il ne soit pas malade. Cette méthode préventive et aussi spécifique : un vaccin est dirigé contre une maladie. Il arrive parfois que dans les molécules injectées, on ait eu recours à plusieurs molécules de bactéries ou virus. Un vaccin peut contenir de quoi se protéger contre plusieurs maladies. C’est une méthode de stimulation de la mémoire immunitaire.
II. Vaccins de rappels
La mémoire immunitaire c’est le stock que peut faire notre organisme, par exemple de lymphocytes mémoires, qui permettent à long terme d’avoir un système immunitaire en veille mais actif et prêt à se défendre très efficacement quand il rencontre pour la deuxième ou troisième fois un même pathogène.
Certains vaccins nécessitent l’injection de rappels. Dans la petite enfance, on est vacciné une première fois, puis au bout de plusieurs semaines une deuxième fois, une troisième fois éventuellement contre la même maladie. Parfois, il faut plusieurs rappels pour que la mémoire immunitaire soit suffisamment efficace, que les cellules protectrices et les molécules protectrices soient suffisamment nombreuses, pour que la protection soit présente à long terme.
Dans le graphique suivant, on représente le taux d’anticorps en fonction du temps chez un individu.
La mémoire immunitaire, en étant stimulée par des vaccins et des rappels, devient de plus en plus efficace. Ce taux d’anticorps, on le suit après une première injection (vaccination). On voit le taux d’anticorps augmenter puis redescendre au bout de quelques temps. A, B et C correspondent à trois rappels successifs c’est-à-dire à trois nouvelles injections du même type de vaccin. A chaque fois, le système immunitaire est de plus en plus stimulé et le taux d’anticorps augmente. Après l’injection B, on dépasse le seuil de protection réel et efficace contre la maladie. Passé ce seuil, le taux d’anticorps est suffisant pour que l’individu, s’il rencontre réellement la maladie, ne soit pas malade. Ce taux finit par re-diminuer. Ce n’est qu’après le troisième rappel (C) que le seuil de protection est dépassé de façon durable. Ensuite, soit le taux d’anticorps reste haut pendant toute la vie et la protection est efficace, soit il faut à nouveau refaire des rappels, plusieurs mois voire années après.
Par exemple, on a tous été vacciné contre le tétanos pendant la petite enfance mais il faut faire des rappels pendant l’enfance et même à l’âge adulte car le taux d’anticorps finit par redescendre sous le seuil de protection. La vaccination est donc une méthode préventive de stimulation du système immunitaire.